jeudi 29 août 2013

Mon intervention au Medef : vive la révolte fiscale !

Je participais jeudi 29 août à l’université d'été du Medef. La question qui m’est posée à cette table ronde est : La France, un pays en faillite ? Oui ou non ?

La France est-elle un pays en faillite ? La réponse est non. Aujourd’hui l’Etat se finance sans problème sur les marchés.

Mais derrière la question, on comprend l’inquiétude. La France pourrait-elle faire faillite ? La réponse est oui, malheureusement.

Cependant il faut bien s’entendre sur les termes. Un Etat ne fait pas faillite, il fait défaut.

On n’a jamais vu un Etat disparaître, comme une entreprise, parce qu’il ne pouvait pas payer sa dette. Un Etat fait défaut, c'est-à-dire il annonce à ses créanciers qu’il ne peut pas les payer. Et comme il détient le monopole de la force légale, personne ne peut l’y obliger. Nous avons de nombreux exemples historiques de ce genre d’événements.

Une nouveauté de notre situation économique actuelle est que cette possibilité n’est plus réservée aux Etats. Elle concerne aussi les grandes banques, que l’on nomme justement "too big to fail", "trop grosses pour faire faillite".

La BNP ne peut pas faire faillite, sinon l’économie française s’écroule. Son bilan se monte à 2.000 milliards d’euros, c’est le même chiffre que le PIB de la France (même si on compare un stock et un flux). Les chiffres sont équivalents pour le Crédit Agricole et la Société Générale.

Et cette situation n’est pas saine du tout. Pour la décrire, Adam Smith, l’auteur de La Richesse des nations, a créé le terme d’aléa moral. En l’occurrence, les dirigeants de ces banques sont incités à prendre des risques, et à augmenter les bénéfices, donc leur bonus, sachant qu’en cas de crise grave, la banque sera sauvée par l’Etat.

Et on se retrouve ainsi avec des banques de plus en plus grosses, et avec des risques qui augmentent considérablement. C’est les cas en France, en Europe, aux Etats-Unis. L’effet de levier du Crédit Agricole est de l’ordre de 1 sur 30, c'est-à-dire 1 euro de cash pour 30 euros d’engagement…

Mais cet aléa moral, et cela on en parle moins, il existe aussi pour l’Etat. L’Etat n’est pas incité à diminuer son déficit et sa dette, étant donné qu’il peut faire défaut justement, et échapper à la faillite c'est-à-dire au démantèlement.

Normalement la "sanction" pour l’Etat, enfin ceux qui le dirige, c’est les élections. Il est vrai que le gouvernement qui annoncerait un défaut sur tout ou partie de la dette, ce qui se traduirait par des pertes de 50% ou plus sur les plans d’assurance-vie des Français, ainsi que des ponctions sur les comptes bancaires comme on l’a vu à Chypre, aurait du mal à se faire réélire.

Mais concrètement chaque gouvernement se dit qu’il s’en sortira. Le résultat c’est que depuis 1974 aucun budget n’a été présenté en équilibre. Et que la dette publique est passée de moins de 20% alors à bientôt 100% du PIB.

Alors que faire, pour éviter d’attendre passivement le moment fatidique où l’Etat se servira dans nos économies ?

Il se passe un phénomène intéressant, qui pourrait changer la donne, et tout cas au moins les perceptions : nous assistons à un début de révolte fiscale en France !

On connait les Pigeons qui se sont élevés contre la taxation des plus-values de cession des entreprises, les Poussins qui défendent le statut d’autoentrepreneur. Il y a aussi les Dupés qui protestent contre les pesanteurs administratives et les charges, les Plumés qui protestent contre les contrôles administratifs abusifs. Le dernier mouvement en date est les Tondus qui protestent contre le poids des charges sociales.

Ce mouvement affirme que 15.000 patrons ont arrêté de payer la part patronale, et qu’ils seront bientôt 100.000. Voici une entreprise en croissance !

Les jacqueries fiscales font partie de l’histoire de France et le pouvoir aurait tort de minorer ce qui se passe en ce moment.

Selon Europe1, 20 millions de foyers devraient payer plus d’impôts que l’année dernière (création d'une nouvelle tranche d'impôt à 45%, l'abaissement du plafond du quotient familial ou encore le gel du barème de l'impôt sur le revenu) ! Voilà qui pourrait apporter de nouveaux bataillons à cette révolte.

Précisons-le bien, il ne s’agit pas ici de fraude fiscale, qui se fait dans la discrétion évidemment, et n’a donc pas d’impact politique, mais bien de révolte fiscale, c'est-à-dire d’un mouvement organisé et public.

La dépense publique ne cesse d’augmenter en France depuis le début des années 70, en valeur comme en proportion du PIB, c’est devenu une machine folle qu’aucun gouvernement ne parvient à maîtriser.

Face à cette réalité, une révolte fiscale de grande ampleur peut provoquer un électrochoc salutaire.

Sinon, un jour ou l’autre, ce sera le défaut pour l’Etat et la ruine pour les épargnants et nombre d’entreprises, quand la France se fera "chypriotisée".

Ce début de révolte prouve en tout cas la vigueur de la société civile, et on ne peut que s’en féliciter. 


Par ailleurs, mon nouveau texte pour GoldBroker : Goldman Sachs est au-dessus des lois ! (et en anglais)

Philippe Herlin