samedi 6 août 2011

Les Etats-Unis perdent leur AAA

Voilà c’est fait, les Etats-Unis perdent leur AAA. Ils descendent d’un cran à AA+. Standard & Poor’s vient de l’annoncer (voir la note complète), gageons que Moody’s et Fitch, les deux autres agences, devraient suivre d’ici quelques semaines. Si la rumeur circulait hier, c’est très largement une surprise et il faut s’attendre à une sévère correction lundi sur les marchés. Au-delà, il s’agit d’une nouvelle historique et géopolitique de la première importance. Le prestige du dollar est incontestablement atteint, la « monnaie de référence » ne l’est plus tout à fait. « Le dollar c’est notre monnaie et votre problème » disait le secrétaire au Trésor en poste en 1971, au moment où la convertibilité du dollar en or fut suspendue par Nixon. Désormais cette formule se retourne contre les Américains. Eux qui pensaient indéfiniment financer leurs déficits budgétaires par la planche à billet sont rappelés à la réalité par l’agence de notation.

Les conséquences sont difficilement calculables. En interne, les taux des prêts immobiliers et de consommation vont augmenter, les notes des collectivités locales (Etats, comtés, villes, dont beaucoup sont en difficultés) vont être dégradées et, pour l’Etat fédéral, le paiement des intérêts de la dette va augmenter de 100 milliards de dollars (selon JP Morgan), le coût de la dette étant de 414 milliards en 2010. Et ce n’est qu’un aspect du problème. Il faut bien comprendre que les 14.500 milliards de dollars de dette des USA représentent 14.500 milliards de créances pour ceux qui les détiennent (banques, assurances, fonds de pension, fonds souverains, banques centrales, entreprises, vendeurs de matières premières) et ceux-ci vont devoir tenir compte du fait que cet actif a perdu en valeur, ce qui les amènera à « repositionner » leur portefeuille ; vu les masses en jeu ça va tanguer.

Et la France ? La raison avancée par l’agence de notation est que le programme voté au Congrès suite au bras de fer avec Obama est « insuffisant pour stabiliser la dette des Etats-Unis à moyen terme ». Il en va exactement de même en France, le retour à un déficit du 3 % du PIB en 2013 étant totalement illusoire (voir mon texte sur Atlantico qui reprend mon billet précédent). Ne nous croyons surtout pas à l’abri.

Cet événement sera peut être un « Lehman Brother » bis, ou pas, difficile à prévoir, mais il se rajoute à des signes négatifs sur la croissance américaine et à une fragilité persistante du système bancaire (aux Etats-Unis et en Europe). La récession n’est plus très loin.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr