jeudi 30 juin 2011

Les assurances se gavent d’OAT, bizarre

Nous avons trop souvent déploré le fait que la dette publique de la France soit détenue en grande partie par des non-résidents (ce qui nous rend très dépendant des marchés internationaux), pour ne pas se féliciter quand cette proportion baisse. Après un plus haut à 71,4 % atteint en juin 2010, on note une décrue régulière depuis, pour atteindre 65,2 % en mars 2011, dernier chiffre disponible pour la dette de l’Etat stricto sensu (voir le dernier bulletin de l’AFT page 1). Soit, mais que recouvre cette évolution ? L’AFT donne le détail de la détention de la dette uniquement pour les OAT (les emprunts de moyen et long terme, excluant ainsi l’endettement à court terme, les BTF et BTAN). On peut voir ces chiffres en page 4 du document : les non-résidents possèdent 54 % des OAT, les banques 15 % et les assurances 23 %. Quelle était la situation en juin 2010, le mois « record » ? Pour cela récupérons le bulletin mensuel septembre 2010, en page 4, et l’on voit que les non-résidents possédaient 62 % des OAT (contre 54 maintenant donc – 8), les banques 19 % (- 4) et les assurances 14 % (+ 9).

On constate donc que les sociétés d’assurance françaises opèrent un mouvement massif (de 14 à 23 % de détention en 9 mois !) vers les OAT émises par la France. Mais qu’est-ce qui leur prend ? Bon c’est toujours mieux que d’acheter du papier grec (Groupama en a 2 milliards, bravo), mais quand même. Cela est du en grande partie à Solvency II (la nouvelle norme internationale, équivalente au Bâle II des banquiers) qui incite et oblige les assurances à se reporter sur des actifs considérés comme sûrs, au détriment des actions. Une idée stupide depuis la crise de 2008, l’explosion de la dette des Etats et la crise de la zone euro, mais la machine est enclenchée… Et ces normes sont fortement influencées par les Etats, qui y trouvent donc leur compte. Il ne m’étonnerait pas que d’autres « moyens de pression » aient été utilisés, car un tel mouvement en si peu de temps ne manque pas d’étonner…

Et, incidemment, il ne faudra pas venir déplorer que nos fleurons du CAC 40 sont détenus en majorité par des capitaux étrangers, si on décourage les assurances (et la retraite par capitalisation), il ne faut plus s’étonner du sous-financement des entreprises françaises.

Bref, mais tout ceci n’est pas grave, tant que la France fait face à sa dette bien sûr. Bienvenue à notre nouveau ministre de l’économie.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

lundi 27 juin 2011

Grand emprunt : l’orchestre sur le Titanic

Suite de la dégringolade au ralenti concernant la Grèce et la zone euro, le « roll-over » (voir notre billet précédent) n’arrivant pas à convaincre les banques, les cranes d’œufs de Bercy ont imaginé un système encore plus tordu ! Les banques possédant des emprunts grecs, lorsqu’ils arrivent à échéance, au lieu de réinvestir la totalité de la somme alors remboursée par le Trésor grec dans de nouveaux emprunts grecs (roll-over classique), réinvestiraient « 70 % seulement des sommes reçues à l'occasion des tombées d'emprunts grecs : 50 % sont alloués à de nouveaux prêts grecs, émis cette fois à 30 ans ; quant aux 20 %, ils sont placés sur ce que les financiers appellent un «zéro coupon», à savoir un fonds investi sur des titres de très grande qualité qui s'autoalimente ensuite grâce au cumul des intérêts. » N’importe quoi : la durée augmente (30 ans !), donc le risque, et le rendement diminue (zéro-coupon pour 20 % des nouveaux placements). Si on en arrive à des solutions aussi grotesques, c’est vraiment que la situation est grave !

Et pendant ce temps là, la Cour des comptes s’alarme face à l’emballement de la dette et le gouvernement dépense allègrement 30 milliards d’euros avec le « Grand emprunt », qu’il aurait fallu stopper net pour réduire le déficit. Un Grand emprunt qui ne servira à rien, comme nous le disions (voir ce billet), puisque tout cet argent passera par la tuyauterie largement percée et inefficace d’organismes publics (Oséo, Ademe, CEA, universités, Caisse des Dépôts, Anah…). Tel l’orchestre qui continuait de jouer sur le Titanic en train de sombrer, la haute administration française continue de dépenser à tout va quand une crise monétaire systémique menace…

Philippe Herlin

jeudi 23 juin 2011

Roll-over, la fuite en avant

Les relations incestueuses entre les Etats et les banques (que nous avions dénoncées dans cette note) franchissent un nouveau seuil puisque les grands pays européens veulent obliger les banques et les sociétés d’assurance à faire du « roll-over » sur la dette grecque. Le roll-over consiste, pour les créanciers privés, à racheter un montant d'obligations grecques équivalent à celui qui arrive à échéance, afin de ne pas augmenter le besoin de financement de la Grèce. Autrement dit, lorsqu’un emprunt obligataire grec arrive à échéance, la banque ne pourra pas pousser un ouf de soulagement et investir cet argent dans des activités moins risquées, elle devra réinvestir cette somme dans de nouveaux emprunts grecs ! Tout ceci sur la base du « volontariat » bien sûr, mais les banques françaises sont convoquées à Bercy et on leur fait comprendre que tout le monde est sur le même bateau. L’Etat entrave le libre jeu du marché et accroît le risque systémique, le roll-over n’est rien d’autre qu’une modalité supplémentaire de la pyramide de Ponzi des dettes européennes.

Dans le même temps, Paris s’active pour faire mettre dehors Bini Smaghi du directoire de la Banque centrale européenne. Avec la prochaine nomination de Mario Draghi à la tête de la BCE en remplacement de Jean-Claude Trichet, les italiens auront deux postes et la France aucun, un scandale, un affront, etc. Le problème c’est que Bini Smaghi est le plus lucide et le plus critique des membres du directoire sur les dangers de l'endettement public et des relations endogamiques entre les banques et les Etats (voir cette note) et s’avère très rigoureux sur l’indépendance de la BCE. Une vraie bonne raison de le mettre à la porte. Mario Draghi, qui a travaillé de 2002 à 2005 à Goldman Sachs (la banque qui a aidé la Grèce à maquiller ses comptes publics) sera, soyons-en sûrs, plus « souple ».

Autrement, USA, reprise ou cataclysme ?, mon interview dans Le Bulletin d’Amérique

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 10 juin 2011

Le mois de juillet sera chaud

Finalement le plan d’aide à la Grèce dont nous parlions dans notre précédent billet n’est pas encore validé, loin de là. Déjà considéré comme trop petit, il faudra sans doute le doubler pour atteindre 120 milliards d’euros, les députés allemands viennent d’en accepter le principe. Cependant l’Allemagne et la BCE s’opposent sur l’idée d’une restructuration limitée de la dette publique grecque, Berlin y est favorable quand Jean-Claude Trichet le refuse catégoriquement, il est vrai que l’Eurosystème serait alors en grand danger. Chacun sait pourtant que la Grèce ne pourra jamais rembourser sa dette actuelle et que la restructuration est inévitable. C’est également ce que pense le Crédit Agricole (exposé à la Grèce à hauteur de 24,5 milliards d’euros !), bien placé pour le savoir (il a acheté l’une des principales banques du pays, Emporiki), mais a-t-il les reins suffisamment solides pour supporter ce choc ? De l’autre côté de l’Atlantique, les Etats-Unis font face à deux échéances cruciales : 1) la nécessité de relever le plafond d’endettement du pays d’ici le 2 août et 2) la fin du « Quantitative easing 2 » le 30 juin, « autrement dit, la Fed va arrêter ses achats de bons du Trésor, alors que depuis l'automne dernier elle a épongé 70 % à 80 % du papier émis par l'État fédéral pour financer son déficit », qui va acheter ce « papier » ensuite, personne ne sait vraiment. Le tout dans un contexte de ralentissement de la pseudo reprise en cours depuis 2010. Les mécanismes sont en place pour faire exploser l’euro et le dollar courant juillet ; bien sûr normalement ça n’arrivera pas, on rajoutera une couche supplémentaire d’endettement public, mais cela ne réglera rien sur le fond, et le risque systémique augmente encore…

Philippe Herlin

vendredi 3 juin 2011

Nuages sur les USA

Après Standard & Poor’s en avril, c’est au tour de Moody’s de froncer les sourcils, pas en mettant sur surveillance négative la dette, comme S&P, mais en exprimant ses craintes si le plafond d’endettement n’est pas relevé. Autre compte à rebours : la fin du Quantitative easing de la Fed le 30 juin. Qui va acheter la dette que la Fed ne rachètera plus ? Personne ne sait vraiment… Une solution sera certainement trouvée (un accord au Congrès, un QE3 ?), mais le mal est plus profond. Comme nous le disions il y a un an, il n’y a pas de reprise, aux Etats-Unis et ailleurs dans les pays développés, seulement beaucoup d’argent public (dépenses budgétaires + monétisation) pour un faible retour en termes de croissance du PIB : 7,28 dollars de dépensés pour 1 dollar de croissance selon Zero Hedge. Et une nouvelle récession semble de plus en plus plausible.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr