jeudi 19 mai 2011

La BCE, une banque comme les autres

Le débat sur la restructuration de la dette grecque divise les pays européens. La France, notamment, est opposée à une restructuration trop sévère du fait que son système bancaire s’avère très engagé en Grèce (voir cette note), pas seulement les banques d’ailleurs mais aussi ses sociétés d’assurance comme Groupama, qui serait menacé de faillite dans ce cas. Mais il y a aussi un acteur qui s’oppose clairement à la restructuration : la Banque centrale européenne (BCE). On a envie de lui dire « de quoi je me mêle ! ». Une banque centrale sert à gérer la politique monétaire (par le taux d’intérêt et la création monétaire) et à superviser le système financier, pas à intervenir dans un conflit entre un débiteur et ses créanciers. Seulement voilà, la BCE a acheté de grandes quantités d’emprunt grecs (et irlandais, portugais) pour soulager les banques et aider le pays à placer son papier ; elle refinance également, pour des montants se chiffrant en dizaines de milliards d’euros, les banques irlandaises (et aussi dans une moindre mesure portugaises et grecques) qui n’ont plus accès au marché interbancaires, les autres banques n’ayant plus confiance. A force de trop vouloir intervenir, de se rendre absolument nécessaire, plutôt que de laisser la responsabilité des systèmes bancaires aux Etats, la BCE est descendu de son piédestal et est devenue une banque comme les autres, c'est-à-dire avec un bilan pourri. La BCE a eu les yeux plus gros que le ventre, et une restructuration significative de la dette de la Grèce (sans parler de l’Irlande et du Portugal qui attendent leur tour) entraînerait des pertes supérieures à ses capitaux propres ! La banque centrale ne ferait pas faillite, ce n’est pas concevable, mais elle devrait solliciter les Etats pour la renflouer… Il paraît, c’est même écrit dans la constitution européenne, que la BCE est « indépendante », mais là elle s’est clairement mise dans la nasse.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr