lundi 28 février 2011

Et revoici l’Irlande !

On pensait le cas irlandais réglé, le revoici sur le devant de la scène à cause d’un événement qui se produit de temps en temps, et qui provoque parfois des surprises, les élections. Le parti au pouvoir, qui a négocié le plan de sauvetage de l’UE et du FMI, s’est pris une claque avec seulement 17 % des voix, tandis que le principal parti d’opposition (le Fine Gael) arrive en tête avec 36 %. Son leader veut renégocier le plan pour « faire baisser le taux «punitif» du prêt, fixé à 5,8 %, et impliquer les banques, en leur faisant supporter une part plus importante des pertes ». Les Irlandais nous refont le coup des Islandais avec leur référendum. Ca va encore tanguer dans la zone euro.

Autrement, juste pour rire, le Crédit Lyonnais (LCL) fait de la publicité pour l’or ! Si les banques se mettent à promouvoir l’or, c’est que ça va vraiment mal… (lire cette tribune d’Eric Le Boucher).

Mes interventions dans Atlantico et Le Bulletin d’Amérique.

Notre pétition contre les emprunts d’Etat à 100 ans vient de dépasser les 500 signatures, continuez à en parler !

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

jeudi 24 février 2011

Les relations incestueuses Etats/banques

Nous en avons déjà parlé dans cette note mais il est utile d’y revenir : le destin des Etats et des banques est de plus en plus inextricablement lié, plus pour le pire que pour le meilleur malheureusement. En cette semaine de résultats trimestriels bancaires, Dexia annonce une baisse significative de ses résultats (et encore ce recul est-il limité grâce à une baisse du « coût du risque », une manip que nous avons déjà dénoncée ici). Mais surtout des rumeurs inquiétantes planent sur elle… Il est vrai qu’elle est « fortement exposée à un choc souverain » et que, malgré cela, elle n’a « rien provisionné sur ce risque souverain » ! Scandale ? Non, tout à fait normal, en conformité avec les nouvelles normes de solvabilité pour les banques et les assurances Bâle 3 et Solvabilité 2. Voici LA grosse magouille qui risque de nous entraîner par le fond : les Etats en déficit chronique (en partie, mais pas seulement, à cause de la crise financière) émettent des montagnes de Bons du Trésor que les banques et les assurances s’empressent d’acheter parce que 1) c’est rentable (elles empruntent à 1 % auprès de la BCE et achètent des Bons qui rapportent 3 % au moins), 2) il n’y a pas besoin de provisionner ces achats (c'est-à-dire de « geler » des liquidités, ce qui est coûteux). Les Etats et les banques s‘entendant à Bâle pour que ce système « gagnant-gagnant » (qui n'est rien d'autre qu'une bulle) perdure. Au contraire, une saine perception des risques devrait conduire les banquiers à provisionner ces Bons d’Etats à un niveau élevé, ce qui les rendraient moins intéressants (mais pour cela il faudrait un petit truc qui s'appelle la conscience professionnelle). Pendant ce temps les banques ne se fatiguent pas trop à relancer le crédit, ce qui est pourtant leur métier de base. Un système « gagnant-gagnant » qui peut devenir « perdant-perdant » si les Etats ne peuvent plus faire face à leurs échéances et se retrouvent en défaut ou contraints de rééchelonner, car à ce moment les bilans bancaires imploseraient, et tout le système économique avec.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 18 février 2011

Le Portugal dans la tourmente

Comme l’Irlande en son temps, le Portugal se refuse à demander l’aide de l’Union européenne que celle-ci veut absolument lui offrir. « Non je ne veux pas de vos milliards ! », « Mais si, mais si, tout le plaisir est pour nous ! », drôle de vaudeville… Il est vrai que ces milliards sont accompagnés d’une pilule empoisonnée (des réformes structurelles) que le gouvernement portugais aura du mal à faire avaler au pays. Mais il faut à tout prix éviter une banqueroute (« le Portugal est en train de couler » selon Reuters, le krach menace selon MoneyWeek) et – c’est la vraie raison de l’empressement de l’UE – une propagation à l’Espagne, comme le reconnaît Wolfgang Schäuble, qui ferait trembler la zone euro sur ses bases. La mise sous tutelle du Portugal ne semble plus qu’une question de temps, de mois, peut être de semaines.

Autrement, changeons de sujet, et intéressons-nous à ce qui se passe en Côte d’Ivoire puisqu’on assiste en direct à l’effondrement de son système bancaire. Dans le conflit que connaît ce pays, Alassane Ouattara a obtenu que la Banque centrale des États d'Afrique de l'Ouest (BCEAO) arrête de travailler avec les banques d’Abidjan (essentiellement des filiales de la BNP et de la SG). Résultat celles-ci stoppent les transactions et baissent le rideau de fer, l’activité économique est étranglée, les clients se précipitent pour récupérer leurs fonds, la crise s'étend à la région… Une situation « intéressante », si l’on peut dire, car c’est ce qui se passerait en cas de faillites d’Etats surendettés (l’Argentine a vécu cela en 2001). Bientôt en Europe ? Espérons que non. Laurent Gbagbo a répliqué en prenant le contrôle des banques. Sans s’immiscer dans ce conflit, on doit déplorer que l’argent des déposants soit pris en otage pour des raisons politiques.

Notre pétition contre des emprunts d’Etat à 100 ans.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

jeudi 17 février 2011

60 milliards de PPP en 2020 ?

Les PPP (Partenariat Public Privé) permettent à l’Etat et aux collectivités locales de financer des infrastructures sans s’endetter : c’est le consortium privé responsable du projet qui s’endette en son nom, et la collectivité publique effectue des versements sur 10 ou 20 ans. Pour elle c’est une simple dépense de fonctionnement supplémentaire. Les coopérations public-privé ne sont pas critiquables en soi, loin de là, mais ici le PPP apparaît surtout comme un moyen de s’endetter sans le dire, de générer une dette masquée (cf France, la faillite ? page 37). L’Etat en profite (les éoliennes en mer, le métro du Grand Paris ou le futur "Pentagone à la française" seront financés de cette façon), tout comme les collectivités locales. De 3,5 milliards d'euros aujourd’hui, l’encours des PPP devrait atteindre 60 milliards en 2020 selon Bercy (cf MoneyWeek) ! La créativité de notre administration pour augmenter la dépense publique est inépuisable. Bercy a fait un joli site, il existe une école des PPP, un centre d’expertise, un forum annuel, un club, quel bon filon !

Et n’oubliez pas de signer notre pétition contre des emprunts d’Etat à 100 ans.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 16 février 2011

L’immobilier, encore

La crise est née dans l’immobilier américain et, deux ans plus tard, rien n’est encore vraiment réglé. Le marché est profondément déprimé (cf The Economic Collapse) - 11 % des logements américains sont vides - tandis que le scandale du Foreclosure Gate s’étend (cf Vincent Benard sur Objectif éco). Pour ne rien arranger, le principal partenaire économique des USA, la Chine, semble devoir faire face à une bulle immobilière (cf George Kaplan dans Causeur), 64,5 millions de logements dans les zones urbaines sont vides… Il ne faut peut être pas chercher bien loin pour le « double dip » : encore l’immobilier.

En France l’immobilier se porte plutôt bien, notre politique malthusienne (plans d’occupation des sols sclérosés et opaques, avec le copinage qui va avec) restreint la construction de logements, quand nombre d’autres pays (Espagne, Irlande, Dubaï, USA, Chine) en font un levier de leur croissance, à leur dépend (pour la Chine attendons). Beaucoup de personnes en France dorment dehors ou dans des appartements insalubres et surpeuplés, ceux qui payent un crédit se saignent aux quatre veines, voici d’excellent moyens de maintenir à un niveau élevé les prix de l’immobilier (séquence humour noir).

Petite revue de presse maintenant : l’Etat va vous piquer deux milliards d’euros par l’intermédiaire des opérateurs téléphoniques, les banques – qui annoncent en ce moment de bons résultats – manquent de fonds propres et, à l’encontre d’une presse optimiste, la fusion Euronext/Deutsche Börse signifie, pour Eric Le Boucher, une défaite en rase campagne.

Continuez de signer et de faire signer notre pétition (déjà plus de 300 signatures).

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

jeudi 10 février 2011

PETITION : NON à des emprunts d'Etat à 100 ans !

Dans Les Echos du 8 février 2011, le directeur général de l'AFT (Agence France Trésor), qui gère la dette de l'Etat, n'exclut pas la possibilité que la France lance des obligations à 100 ans : « La France pourrait-elle lancer une obligation à 100 ans ? lui demande la journaliste, Oui, s'il existe une demande pour ce faire c'est une possibilité. Nous n'avons pas d'objection de principe à cela et nous avons d'ailleurs déjà réfléchi à l'opportunité de créer des maturités supérieures à 50 ans. »

Les emprunts les plus longs sont actuellement de 50 ans, ce qui est déjà considérable, alors un siècle ! S'endetter sur 100 ans, cela veut dire payer beaucoup plus d'intérêts que ce que rapporte l'emprunt. Mais cela signifie surtout faire reposer nos déficits actuels sur les épaules de nos arrières-petits enfants ! C'est totalement irresponsable, c'est une fuite en avant, un mépris total des générations futures.

Nous demandons au Ministre de l'économie (dont dépend l'AFT) et au Président de la République de ne pas autoriser l'émission d'emprunts d'Etat de 100 ans, et à l'avenir de ne plus dépasser 30 ans. La priorité doit être la réduction des déficits et la stabilisation puis la baisse de la dette publique.

Signez et faites signer la pétition (dans la colonne à droite) !

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 9 février 2011

L’Agence France Trésor vous parle

Ses interventions dans les médias sont extrêmement rares, mais il a donné hier une interview dans Les Echos, il s’agit du directeur général de l’AFT (Agence France Trésor, qui gère la dette de l’Etat), Philippe Mills. Ca sent l’interview de commande, faite pour répondre à une inquiétude croissante des marchés (la part des non-résidents – 2/3 – chez les détenteurs de la dette française) et avec des réponses « bétonnées » signifiant clairement « tout va bien, circulez y’a rien à voir ». Un tiers de la dette est détenu par des non-résidents de la zone euro, ce que Philippe Mills qualifie de « marché domestique » (sous-entendu, ne nous inquiétons pas) : c’est aller un peu vite en besogne, c’est une zone domestique pour la monnaie (l’euro), mais pas pour les politiques économiques, chaque pays ayant son propre budget ! Et la Grèce et l’Irlande, en faillite, font-elles partie de ce marché domestique ? Oui et c’est tout le problème, les banques européennes ont diversifié leurs emprunts d’Etats entre les différents pays de la zone euro, ce qui accroît le risque systémique lorsqu’un ou plusieurs d’entre eux se trouvent en difficulté. Une sécurité « domestique » très relative donc.

Pour le tiers restant, détenu par des non-résidents hors zone euro, c’est un « critère de bonne santé » ! Soit, si on exportait nos Rafales et nos produits aussi bien que notre dette, notre économie s’en porterait mieux, mais notre déficit commercial en 2010 s’établit à 51,4 milliards d’euros (contre un excédent de 154,3 milliards pour l’Allemagne). Et cette dette, il faut crapahuter pour la vendre : « En 2001, l'AFT effectuait 17 présentations aux investisseurs, essentiellement en Europe. En 2010, nous en avons fait 32, notamment en Asie, au Moyen-Orient, aux Etats-Unis et dans différents pays d'Amérique latine. » Les nouveaux pays riches et les pétromonarchies financent l’Europe vieillissante, merci à eux.

On apprend par ailleurs, tenez-vous bien, qu’une enquête de l’AMF (Autorité des marchés financiers) a été ouverte pour identifier la source des rumeurs de dégradation de la note AAA de la dette française ! Une rumeur « totalement infondée » bien sûr, 148 milliards de déficit budgétaire en 2010, après 138 en 2009, et plus de 90 prévus pour 2011, on se demande bien ce qui peut justifier l’inquiétude des investisseurs… Et avouons-le, ce blog plaide coupable.

Enfin Philippe Mills n’exclut pas de lancer des emprunts d’une durée de 100 ans (50 ans étant la durée la plus longue actuellement). Comme disait Keynes « à long terme nous serons tous morts », alors empruntons à un siècle et dormons tranquille.

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 4 février 2011

Petites magouilles autour du FESF

Des rumeurs circulent, des pistes sont lancées, sans que rien ne soit encore officiellement confirmé, mais les modalités d’action du FESF devraient évoluer, et pas forcément dans le bon sens. Selon BFM, RFI ou Les Echos, le FESF pourrait racheter de la dette grecque et irlandaise sur le marché secondaire, mais pourquoi ? En fait le rééchelonnement de ces pays ne fait plus de doute, tout est une question d’échéance, et surtout de savoir qui va payer. Un rééchelonnement de dette se traduit immédiatement par des pertes pour les détenteurs (les banques), dans un contexte de crise et, souvent, d’affolement. Dans ce cadre, le FESF pourrait servir de « sas » : il achète de la dette grecque (auprès des banques, trop contentes de s’en débarrasser), celle-ci est rééchelonnée, le FESF enregistre donc des pertes, mais comme il a du cash il peut y faire face, et deux ou trois ans plus tard, les pays qui le financent le renflouent. Ainsi les banques se débarrassent du mauvais papier, au final le contribuable paie la totalité de la note, on l’a bien compris, mais l’électeur ne s’en rend pas vraiment compte car les pertes du FESF sont étalées dans le temps. Une bonne combine, non ?

Autrement, le président Sarkozy veut inscrire dans la constitution une règle de limitation des déficits, une bonne idée que nous défendons ici, mais a-t-elle des chances de passer dans cette période pré-électorale ? Et puis il faudrait commencer par éviter les dépenses stupides comme les éoliennes en mer (10 milliards) et le métro du Grand Paris (32 milliards), des sommes qui d’ailleurs n’apparaîtront pas dans la dette publique car financées par des PPP (Partenariat Public Privé, voir mon livre page 37).

Enfin, pour prolonger notre billet précédent, on lira l’excellente tribune de Nicolas Baverez « France, ton économie fout le camp ».

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 1 février 2011

Le bon sens des Français

Un sondage Ifop (télécharger) commandé par les fondations française Jean Jaurès et allemande Friedrich Ebert vient démontrer la lucidité des Français face à la dette, au déficit public et à la façon de s’en sortir. Les résultats sont intéressants car ils prennent à contre pied aussi bien la classe politique au pouvoir (UMP et PS), qui veut nous faire croire que la dette est sous contrôle et qu’une augmentation des impôts est inévitable pour réduire les déficits, que les solutions à l’emporte-pièce prônées par d’autres (retour au franc, sortie de l’UE) sensées régler tous les problèmes d’un coup.

Ainsi 87 % des Français sont inquiets vis-à-vis du déficit public et de la dette de l’Etat et 63 % pensent que la France pourrait connaître la situation de la Grèce ou de l’Irlande dans les mois ou les années à venir ! Ils ont parfaitement raison. Comment se sortir de cette situation ? 60 % des Français considèrent qu’il faut réduire les dépenses de l’Etat et des collectivités locales (bravo, bonne réponse !), 32 % qu’il faut aider les entreprises à être plus compétitives et 8 % seulement qu’il faut augmenter les taxes et les impôts, ce dernier chiffre offrant un démenti cinglant aux dirigeants de l’UMP et du PS qui sont incapables d’envisager une autre solution. Dans le même temps, 22 % seulement souhaitent le retour au franc tandis que 65 % privilégient une meilleure coordination économique. D’ailleurs 69 % approuvent la validation du budget des pays européens par la Commission européenne (ce résultat traduisant certainement la lassitude des Français devant l’incapacité des gouvernements et de l’Assemblée Nationale à contenir les dépenses publiques).

Le problème c’est qu’a priori aucun candidat ne portera ces idées, pourtant majoritaires, à l’élection présidentielle. Aucun candidat libéral-conservateur ne pointe le bout de son nez et, comme souvent, les électeurs devront choisir le moindre mal…

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr