vendredi 30 juillet 2010

Re-crise

Il n’y a pas de reprise, nous l’avons déjà dit (voir cette note), les plans de relance n’ont servi à rien, mais la dette publique va rester et peser de plus en plus lourd. Dans une intéressante analyse, l’économiste Martin Feldstein montre ce qui se cache derrière les chiffres de « croissance » du PIB américain : des effets d’inventaire, des aides à l’automobile et à l’immobilier… (le tiers de la croissance du PIB américain au 3e trimestre 2009 provient de l’augmentation de la production automobile due à une prime gouvernementale). Ces effets s’épuiseront, le gouvernement américain ne peut pas « relancer » indéfiniment, et la crise reviendra. Cet automne ? Peut être plus sûrement en janvier 2011, lorsque prendra effet toute une batterie de hausse d’impôts et de taxes, les entreprises et les consommateurs dépensant « relativement » plus d’ici là, avant de se serrer la ceinture le 1er janvier, ainsi que l’explique Arthur Laffer. « Lorsque nous passerons la date fiscale limite du 1er janvier 2011, mon hypothèse numéro un est que le train va dérailler et que nous allons connaître notre pire cauchemar, celui d’une forte "récession dans la récession" » explique-t-il. L’Europe sera prise dans le train évidemment, avec possiblement une certaine atténuation cependant. Mais le PIB va reculer, ou au mieux stagner, tandis que la dette publique continuera d’augmenter, sous l’effet de son propre poids et de celui des déficits budgétaires. Les pays qui limiteront les dégâts sont ceux qui ont déjà commencé à réduire leurs dépenses publiques, et la France n’en fait pas partie.

L’avenir dissimulé de l’économie américaine, Martin Feldstein, Project Syndicate

Pourquoi la crise économique va rebondir en 2011, Arthur Laffer, Contrepoints

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

jeudi 22 juillet 2010

Un financement à haut risque…

Nous avons déjà signalé à plusieurs reprises le fait que la détention de la dette publique par les « non-résidents » (les investisseurs étrangers) constitue un indicateur crucial (voir cette note par exemple). Plus le pourcentage est élevé, plus on dépend de l’étranger, plus une crise de confiance s’avère grave et peut très vite mener à l’impossibilité pour l’Etat de se refinancer, c’est à dire à sa banqueroute. Pour la dette de l’Etat (1228 milliards d’euros, qui représente 80 % de la dette publique, pour laquelle il faut rajouter la sécu et les collectivités locales) le dernier chiffre disponible est de 69,4 % (voir le dernier bulletin mensuel de l’AFT, page 1). Près de 70 % de la dette de l’Etat est détenue par des non-résidents, 10 points de plus qu’en 2007 ! Cette dépendance devient vraiment dangereuse, mais il y a pire. La dette de l’Etat se répartit entre dette à long terme (les OAT, 781 milliards d’euros, page 9) et dette à court terme, de moins de deux ans (BTAN et BTF, 240 et 207, soit 447 milliards, 36,5 % de la dette totale, page 10). On a le pourcentage de détention par les non-résidents pour la dette totale (69,4 % on l’a vu), pour les OAT (62 %, voir page 4), mais pas pour la dette à court terme… calculons-le :
781 . 0,62 + 447 . x = 1228 . 0,694 ; soit x = 0,82
Ainsi la dette à court terme (moins de 2 ans) de l’Etat est détenue à 82 % par des non-résidents !!! Une perte de confiance sur la dette française, ou une perte du AAA, aurait ainsi des conséquences d’autant plus graves que le financement de l’Etat à court terme dépend quasi exclusivement d’investisseurs internationaux. La dette de l’Etat est vraiment sur la corde raide…

Le bulletin de juillet 2010 de l’Agence France Trésor (AFT)

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 20 juillet 2010

L’Irlande n’est pas la Grèce

L’Irlande a vu la note de sa dette dégradée hier par Moody’s (de Aa1 à Aa2) mais il ne faudrait pas en conclure ce pays constitue une nouvelle Grèce. Le gouvernement irlandais à en effet immédiatement pris conscience de la gravité de la crise, au lieu de tergiverser comme le gouvernement grec (voir cette note), et a mis en place un plan drastique de réduction des dépenses publiques dès le début de l’année 2009, soit un an avant la Grèce. Il n’y a pas eu non plus de dissimulation sur les chiffres officiels du budget, et l’économie irlandaise bénéficie d’un meilleur potentiel de croissance. Résultat, la confiance des marchés ne s’est jamais évanouie. Ce matin l’Irlande a ainsi levé 1,5 milliards d’euros sur des échéances de 6 à 10 ans sans aucun problème, ce qui témoigne d’une bonne crédibilité à long terme et s’avère donc très rassurant. Au contraire, la Grèce est toujours incapable de lever de l’argent autrement que sur des échéances courtes, c'est-à-dire couvertes par le plan d’aide européen, le Fonds européen de stabilisation financière (FESF), dont l’action est garantie sur les trois années à venir, mais pas après. L’Irlande s’en sort toute seule alors que pour la Grèce, dans trois ans, il faudra remettre au pot…

L'Irlande a placé avec succès 1,5 milliard d'euros d'obligations, L’Agefi

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 16 juillet 2010

Ironie chinoise

Se consacrant jusque-là uniquement aux entreprises, l’agence de notation chinoise Dagong Global Credit Rating a réussi un beau coup de pub pour annoncer qu’elle se mettait à noter les Etats : elle a fait perdre leur AAA aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et à la France ! Effet d’annonce ? En partie bien sûr, mais analyse lucide également tant la situation budgétaire de ces pays est dégradée. Nous avions formulé dans cette note l’hypothèse que les agences de notations (Standard & Poor’s, Moody’s, Fitch), toutes trois américaines (même si Fitch est détenue par le groupe français Fimalac), ne dégraderaient pas, sauf en dernière extrémité, les USA et le RU pour des raisons de « géopolitique économique » : elles ne peuvent pas se mettre à dos la première puissance mondiale (qui d’ailleurs, dans sa réforme financière tout juste adoptée, va créer un bureau au sein de la SEC pour les surveiller…) et la première place financière mondiale, Londres. L’agence chinoise n’est bien sûr pas soumise à ces contraintes et elle le signifie avec une ironie mordante. Dans le même temps elle place la dette de la Chine au plus haut niveau, aux côtés de l’Allemagne, bien sûr (vive la discipline du parti unique !). Alors qu’attend la Coface pour faire de même et, pour rigoler, dégrader la note des USA et du RU, tout en maintenant évidemment le AAA de l’excellente dette publique française ?

La note française dégradée par une agence chinoise, Le Figaro

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

jeudi 15 juillet 2010

Normalisation ?

Klaus Regling, un nom à retenir, c’est le directeur du Fonds européen de stabilisation financière (FESF) qui a pour objectif de soutenir tout pays de la zone euro qui connaîtrait des problèmes avec sa dette souveraine, il s’agit du fonds créé dans l’urgence le 10 mai dernier et doté potentiellement de 750 milliards d’euros. « Tout indique que la situation se normalise en Europe » déclare-t-il dans une interview des Echos. C’est un fait, la Grèce a réussi à placer un emprunt. Mais il s’agit d’une amélioration en trompe l’œil : le fonds a un horizon de trois ans, donc sur les échéances courtes il n’y a pas de risque pour les investisseurs, et effectivement l’emprunt qu’a émis la Grèce est à six mois, mais au-delà ? Au-delà il faut une nette réduction des déficits publics et de la croissance économique, c’est ce que surveillent les marchés, en Grèce, au Portugal, en Espagne, ou en France. Le FESF offre un répit mais guère plus. Il comporte même, on l’a déjà dit (voir cette note), un risque systémique pour la zone euro, parce que créer de la dette pour régler un problème de dette ne constitue pas une solution ! En plus Klaus Regling n’est même pas certain d’obtenir le AAA pour le SFEF, il y a des « discussions en cours avec les agences ». On imagine, un fonds mal noté pour soutenir des Etats en faillite…. Il s’agit juste d’un répit.

Interview de Klaus Regling, directeur du SFEF, Les Echos

Zone euro : bonne réponse pour les adjudications souveraines, Les Echos

Philippe Herlin
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samedi 10 juillet 2010

Le scandale Aurélie Boulet

La réduction des dépenses publiques est-elle mission impossible en France ? Sans doute oui si l’on en juge par l’édifiante affaire Zoé Shepard, ou plus exactement Aurélie Boulet. Cette fonctionnaire du Conseil régional d’Aquitaine a en effet publié un livre (sous pseudonyme et en prenant soin d’empêcher l’identification de son lieu de travail et de ses collègues) dans lequel elle dénonce l’immobilisme, l’incompétence, et la productivité déplorable de ses collègues fonctionnaires. Malgré ses précautions elle a été identifiée et est passée devant la commission de discipline du Conseil régional qui l’a condamnée à deux ans de suspension sans traitement ! Une mesure d’une exceptionnelle sévérité. Le président de région Alain Rousset a un mois pour confirmer ou infirmer cette décision honteuse qui démontre que la corporation des fonctionnaires fait passer ses intérêts avant tout le reste et que le sempiternel « service public » n’est qu’un rideau de fumée. Les fonctionnaires motivés et qui veulent travailler, et ils sont nombreux, savent maintenant ce qu’ils leur reste à faire, faire profil bas et éviter toute suggestion visant à améliorer les choses, au risque de passer pour des trouble-fêtes, et d’être sanctionnés ! Sur le plan des principes, cette affaire n’est pas moins grave que l’affaire Bettencourt-Woerth, bizarrement les médias en parlent beaucoup moins… Ah oui c’est vrai, la fonction publique française, que le monde entier nous envie, est intouchable.

Fonction publique : sanctionnée pour avoir dit la vérité, Le Figaro

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Philippe Herlin
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jeudi 8 juillet 2010

Réduction du déficit budgétaire : pour l’instant c’est bidon !

Le gouvernement a annoncé un plan d’économie de 100 milliards d’euros (voir cette note) pour revenir sous les 3 % de déficit budgétaire en 2013, mais la (très compétente) Commission des finances du Sénat n’y croit pas ! Les prévisions de croissance retenues (2,5 % sur 2011-2013) sont irréalistes, de même que les baisses des dépenses (notamment les allocations chômage et les collectivités locales). Le plan du gouvernement est bidon, et il va devoir revoir sa copie parce que si les agences de notation font la même analyse… Les préconisations des sénateurs (relèvement de la TVA, emprunt obligatoire) sont également irréalistes, c’est fou ce que nous sommes bien gouvernés. Et si on essayait vraiment de diminuer la dépense publique ?

Budget : le Sénat doute du scénario du gouvernement, Le Figaro
(Rapport du Sénat)

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr