mercredi 30 juin 2010

500 millions d’euros par jour !

La dette publique de la France (« au sens de Maastricht ») vient de franchir la barre symbolique des 1500 milliards d’euros, 1535,5 exactement. Cela représente une hausse de 46,5 milliards depuis le trimestre précédent (1489,0), ce qui veut dire que la France s’endette de 500 millions d’euros par jour (46,5 milliards/90 jours) ! (358000 euros par minute, 6000 euros par seconde…). Le plan de relance explique une part de ce dérapage, sur 2009 le rythme tournait à 300 millions d’euros par jour. Enfin quelque chose qui tourne 365 jours par an et sans grève en France !

La dette de l'Etat passe la barre des 1500 milliards, Le Figaro

Dette trimestrielle de Maastricht des administrations publiques, INSEE

Philippe Herlin
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mardi 29 juin 2010

Prémisses de dégradation ?

Ca n’a peut être rien à voir, mais la coïncidence est troublante : la SNCF et Areva viennent de voir leurs notées dégradées, perdant chacune leurs AAA. La compagnie ferroviaire (dégradée par S&P et mise sous surveillance par Moody’s) et le groupe nucléaire (dégradé par S&P) vont désormais emprunter plus cher. Or ces deux sociétés sont détenues à 100 % par l’Etat (en direct pour la SNCF, par l’intermédiaire du CEA pour Areva) ! Donc, par définition, elles ne peuvent pas être confrontées à des problèmes de financement et de remboursement ! Dans chaque cas, des raisons précises sont avancées (le prévisible changement de statut pour la SNCF, le retard sur l’EPR finlandais pour Areva). Mais tout de même, si les agences de notations voulaient envoyer des coups de semonce au gouvernement pour lui signifier que le AAA de la France est « limite », elles ne s’y prendraient pas autrement…

Retard EPR : Standard & Poor’s sanctionne Areva, Le Figaro

Moody's : perspective négative pour SNCF, Le Figaro

Philippe Herlin
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vendredi 25 juin 2010

Il n’y a pas de reprise

On vient d’apprendre que le chômage a augmenté au mois de mai en France, cela n’a rien d’un hasard, les autres indicateurs négatifs vont affluer et il faudra se rendre à l’évidence : il n’y a pas de reprise économique, en France, en Europe ou aux Etats-Unis. Les gouvernements comptent beaucoup sur la croissance pour réduire le poids de la dette publique, c’est raté. Depuis plus d’un an les gouvernements et une grande partie des médias essaient de nous vendre la reprise, mais il n’y a que quelques soubresauts d’indices économiques provoqués par un déluge d’argent public, aux Etats-Unis les créations d’emplois de ces derniers mois proviennent essentiellement des embauches temporaires pour le recensement, tandis que des crédits d’impôts soutiennent tant bien que mal le marché immobilier, mais ces effets s’estompent, il n’y a plus d’argent dans les caisses. Le marché immobilier américain, d’où est venue la crise, donne des signes inquiétants de faiblesse, et les nuages s’accumulent dans la zone euro (systèmes bancaires espagnol et portugais en grande difficulté). Les plans de relance n’ont relancé que la dette et différé les échéances dans le secteur privé, beaucoup de temps et d’argent perdus !

Chute libre ? Vincent Bénard, Objectif liberté

Immobilier en baisse et reprise perdue, Bill Bonner, La Chronique Agora

The Coming U.S. Real Estate Crash, The Economic Collapse

Philippe Herlin
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jeudi 24 juin 2010

Les perspectives inquiétantes de la Cour des comptes

La Cour des comptes vient de publier son habituel rapport à l’attention du gouvernement qui prépare, en ce moment, le budget 2011 (Programmation de loi de finance) qui passera devant l’Assemblée nationale à la rentrée. Reprenons-en les extraits saillants et annonçons tout de suite la couleur, ils sont en contradiction flagrante avec l’optimisme du gouvernement (déficit ramené à 3 % du PIB en 2013) !

Il ne faut compter sur aucun retour à l’équilibre, des réformes sont nécessaires pour réduire le déficit et la dette :
« Si des mesures adaptées ne sont pas prises, le déficit public pourrait être encore très élevé en 2011, et nettement supérieur à 3,0 % du PIB en 2013. Le risque demeure que l’endettement soit de plus en plus difficile à maîtriser et freine ainsi la croissance. Le grave déséquilibre des comptes sociaux persisterait et les évolutions démographiques ne feraient que l’aggraver à long terme. » (page 2)

L’ampleur de l’effort à réaliser est de l’ordre d’un point de PIB par an (soit 20 milliards d’euros), ce qui nous semble vraiment un minimum :
« Il est en fait nécessaire de viser une réduction d’au moins 1 point de PIB par an du déficit structurel, mais en prenant des mesures de baisse des dépenses et de hausse des prélèvements obligatoires qui correspondent à un véritable « effort structurel ». En effet, en partant d’un déficit structurel de presque 6 points de PIB en 2010, seul un tel effort peut permettre de le ramener au-dessous de 3 points en 2013 et d’équilibrer les comptes en termes structurels en 2016. Un ajustement budgétaire de cette ampleur est considérable mais une douzaine de pays développés ont réalisé, à certaines périodes depuis le premier choc pétrolier, des ajustements supérieurs à 7 point de PIB (Canada, Suède, Belgique, Royaume-Uni, Finlande…). » (page 89)

Et il faut tailler dans le vif :
« Des économies à la hauteur des enjeux ne sont possibles que si des politiques publiques sont abandonnées ou si leur dimension est fortement réduite. Cela suppose des réformes structurelles lourdes qui doivent être préalablement évaluées. Encore faut-il que les évaluations ne se limitent pas à rechercher des améliorations à la marge mais remettent en question l’existence même de ces politiques et services publics. » (page 92)

La zone euro est sous tension et notre écart avec l’Allemagne s’accroît, ce qui met clairement (la Cour ne le dit pas) en péril notre AAA :
« L’endettement public met la zone euro sous de fortes tensions et les gouvernements européens se sont engagés à réduire les déficits. Le rééquilibrage des comptes publics est aussi un impératif national car la situation des finances publiques de la France est de plus en plus préoccupante. Le déficit public s’est élevé à 7,5 % du PIB en 2009, ce qui le situe au-dessus de la moyenne européenne et très loin du déficit allemand (3,3 % du PIB). Il était déjà au-dessus de cette moyenne en 2008 et il a augmenté presque autant qu’elle en 2009, malgré une récession moins forte et un plan de relance de moindre ampleur. L’écart avec l’Allemagne s’est accru. » (page 131)

Surtout que la France n’est pas crédible lorsqu’elle annonce une réduction de ses dépenses publiques. Sans effort structurel, le déficit budgétaire rapporté au PIB ne diminuerait quasiment pas d’ici 2013, une situation proprement intenable :
« La France a de nombreux atouts, mais elle a aussi de lourds handicaps, notamment une crédibilité depuis longtemps insuffisante de ses programmes de redressement des comptes publics. La mise en place de règles budgétaires plus contraignantes peut l’améliorer, mais il faut surtout rapidement mettre en œuvre des réformes à la hauteur de l’enjeu. A défaut, le déficit public pourrait être encore proche de 7 % du PIB, et celui du régime général de sécurité sociale de 30 Md€, en 2011. Le déficit public pourrait être encore de 6 % du PIB en 2013, et non de 3 %. La dette, qui atteignait déjà 78,1 % du PIB, soit 1 500 Md€, fin 2009, pourrait atteindre 93 % du PIB et dépasser 2 000 Md€ fin 2013. Elle resterait sur une trajectoire de croissance auto-entretenue, sous l’effet de « boule de neige » des charges d’intérêt. » (page 132)

Cour des comptes, Situation et perspectives des finances publiques 2009, juin 2010

Philippe Herlin
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mardi 15 juin 2010

L’Espagne en difficulté

L’Espagne connaît des problèmes sur son déficit et sa dette, comme beaucoup de pays en ce moment, mais également sur ses banques, ce qui rajoute à la difficulté. Le pays a parié sur l’immobilier, qui s’écroule aujourd’hui, les banques se retrouvent avec des quantités de créances sans valeur, tandis que les ménages, très endettés, ont du mal à faire face. Il y a un problème de dette publique et de dette privée ! A la va-vite, le gouvernement fusionne des caisses d’épargne, mais cela ne sert qu’à repousser les échéances. L’économie est dévastée (20 % de chômage, 40 % chez les jeunes), le plan de relance n’a servi à rien d’autre que creuser le déficit, l’économie verte se révèle un mirage, les perspectives sont sombres. Des rumeurs d’activation du plan d’aide européen circulent, le secrétaire au Trésor espagnol dément. La Grèce représente 2,5 % du PIB européen, l’Espagne c’est 12 %...

Après la Grèce, l'Espagne est au centre des spéculations, Le Figaro

9 Reasons Why Spain Is A Dead Economy Walking, The Economic Collapse

Rajout le 16 juin : L’UE et le FMI au secours de l’Espagne, Contrepoints

Philippe Herlin
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samedi 12 juin 2010

Fillon annonce une baisse des dépenses publiques !

On y vient ! La pression de l’Allemagne et des agences de notation devenait trop forte, les élucubrations budgétaires (se contenter de contenir les dépenses en attendant la progression des recettes suite au retour de la croissance) tournaient à vide, enfin le gouvernement se décide. Le Premier ministre vient en effet d’annoncer une réduction des dépenses publiques de 45 milliards d’euros. Enfin quelque chose de sérieux ! Pour revenir à un déficit budgétaire de 3 % du PIB en 2013 il faut trouver 100 milliards d’euros : 45, donc, de diminution des dépenses, 5 de rabotage des niches fiscales, 15 dus à la fin du plan de relance et, on ne se refait pas totalement, 35 de recettes supplémentaires amenées par le retour de la croissance. Ces 35 milliards sont surestimés (quelle reprise ?) mais, pour la première fois, le tabou de la stabilisation des dépenses est enfin remis en cause. On n’a encore aucune information sur le détail de ces 45 milliards, mais au moins on commence à prendre la bonne route.

Fillon : 45 milliards de réduction de la dépense publique d'ici 2013, Les Echos

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Philippe Herlin
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mercredi 9 juin 2010

Inquiétude des marchés sur la dette française

Hausse des taux d’intérêt, dégradation des CDS, les marchés commencent à avoir quelques doutes sur la dette française… A l’heure où l’ensemble des gouvernements européens mettent en œuvre des plans de rigueur, spécialement l’Allemagne, la légèreté du gouvernement français, qui se contente de contenir les dépenses et de raboter quelques niches fiscales, passe de moins en moins. Tout se joue en ce moment, avec la préparation du Projet de loi de finance 2011, mais y-a-t-il une volonté suffisante ?

Dette : les marchés mettent la pression sur la France, Les Echos

Inquiétante dégradation des CDS sur la dette publique française, Contrepoints

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Philippe Herlin
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mardi 8 juin 2010

L’Allemagne a raison

L’Allemagne met en place un énorme plan d’économies budgétaires (86 milliards d’euros d’ici 2014) sans faire aucune hausse d’impôt, bravo c’est exactement ce qu’il faut faire, réduire le déficit sans peser sur le secteur privé. L’écart avec la France devient de plus en plus criant et les tensions doivent certainement avoir atteint un sommet si l’on en juge par l’annulation au dernier moment par Berlin du dîner que devait partager Angela Merkel et Nicolas Sarkozy hier soir.

Accessoirement on apprend que le gouvernement français, dans une sorte de cavalerie financière désespérée, cherche à refiler aux régions une part des retraites des cheminots ! Si on en est là… Et que les TER, puisqu’il s’agit d’eux, ne couvrent qu’un quart de leurs charges avec les recettes de billetterie ! Comment creuser la dette à grande vitesse ! Objet de prestige et de communication pour les exécutifs régionaux, les TER sont en réalité un gouffre financier. Hormis quelques lignes rentables, il faudrait mettre les autres au rebut et les remplacer par des lignes de bus privées, comme le recommande la Cour des comptes (il faut savoir que la loi interdit à une compagnie de bus privée de concurrencer les lignes de la SNCF !). D’un côté un vrai plan de rigueur, de l’autre des rafistolages.

L'Allemagne veut économiser 86 milliards d'euros d'ici 2014, La Tribune

Les régions refusent de payer les retraites des cheminots, Le Figaro

Philippe Herlin
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vendredi 4 juin 2010

Les marchés devancent-ils les agences ?

Les marchés anticipent-ils déjà la perte par la France de son AAA ? L’écart avec les taux allemands se creuse, « la France n'est qu'un « petit » triple A, contrairement à l'Allemagne » affirme l’économiste Norbert Gaillard, qui vient de sortir un livre sur les agences de notation (Repères-La Découverte). Comparé à l’Allemagne (qui vient de renforcer son plan de rigueur), la France (qui se limite à raboter les niches fiscales…) ne mérite pas son AAA, c’est évident. Mais le Royaume-Uni et les Etats-Unis non plus, qui plongent dans des déficits abyssaux sans offrir pour l’instant de réelles perspectives de rétablissement. Cependant ces deux pays occupent des places stratégiques dans l’économie mondiale, Londres est la première place financière dans de nombreux segments, et les Etats-Unis sont la première puissance et ont le dollar, la monnaie de réserve internationale. Face à cela, quelle est la « puissance géopolitique » de la France dans l’économie mondiale ? Les agences de notation peuvent légitimement avoir peur de se mettre à dos les Etats-Unis ou le Royaume-Uni, pas la France. Quel que soit ce que l’on pense de ces agences (conflits d’intérêt, oligopole, myopie, etc, tout est vrai), elles font partie du jeu et influencent réellement les investisseurs, on n’en est pas suffisamment conscient au pouvoir à Paris.

Les taux allemand et français de plus en plus écartés, Le Figaro

Philippe Herlin
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mardi 1 juin 2010

Un AAA qui ne tient qu’à un fil

On ne pourra pas dire qu’on n’a pas été prévenu : les agences de notation pointent, une fois de plus, la faiblesse des efforts budgétaires français. Moody’s ne croit même pas au gel des dépenses annoncé par le Premier ministre, un objectif « pas particulièrement ambitieux », et qui en plus « devrait se révéler difficile à tenir, vu les efforts infructueux de maîtrise des dépenses par le passé »… « Le haut niveau de taxation, qui rend difficile de futures hausses d'impôts, et la rigidité des dépenses » laisse peu d’espoir indique toujours Moody’s. Fitch salue « l'intensification du dialogue social sur les finances publiques comme un pas important vers la résorption du large déficit public »…, on se demande si ce n’est pas une blague, ou s’ils se sont trompés de pays. Standard & Poor’s conclut que la distance séparant le pays d'une dégradation de la note se réduit « inexorablement ». Alors bien sûr on pourra critiquer les agences, les accuser de tous les maux, mais on sera obligé de constater qu’elles ne font, en fait, que répéter ce que disent les rapports parlementaires et ceux de la Cour des comptes depuis des années, ou ce qu’a expliqué le rapport Pébereau dès 2005. La crise de 2008 n’ayant, dans cette affaire, qu’accéléré des tendances qui nous auraient de toute façon amené où nous en sommes. On ne pourra pas dire qu’on ne savait pas.

Ce que pensent les agences de notation de la France, Le Figaro

Philippe Herlin