jeudi 28 janvier 2010

Dette : la voie constitutionnelle

Nous signalons ici l’excellente étude de l’économiste Jacques Delpla pour la fondation Fondapol : «Réduire la dette grâce à la constitution». Suivant l’exemple de l’Allemagne (voir cette note), ce rapport défend la nécessité de mettre en place une règle constitutionnelle imposant l’équilibre budgétaire. En effet, la différence de politique budgétaire avec l’Allemagne deviendra vite intenable : «Si la France ne change rien à sa politique budgétaire, les temps seront durs pour nos dirigeants. D’abord, le gouvernement allemand réduira ses initiatives de politique économique avec la France, puis il délaissera un partenaire devenu paresseux et incapable de se réformer. La France perdra alors son crédit international et deviendra, d’un point de vue financier, d’abord ce qu’est la République italienne aujourd’hui, puis ce qu’est devenue la Grèce. En d’autres termes, sans consolidation majeure, les dirigeants de la France des années 2010 auront précipité leur pays vers la paralysie et la crise budgétaire permanente et auront perdu toute idée de grandeur et d’influence pour la France.» (page 37)

Le rapport désamorce la principale critique opposée à une telle règle : «Une critique souvent adressée aux règles budgétaires contraignantes : Elles abrogent le choix du Parlement et les choix politiques ; elles sont la négation du politique, car c’est la règle qui prévaut. C’est bien le contraire ! La grandeur du Parlement n’est pas de toujours faire payer à la génération suivante nos dépenses publiques de consommation (s’endetter pour payer les retraites n’a rien à voir avec la préparation de l’avenir). La grandeur du choix politique n’est pas de différer toujours à demain les conséquences de nos choix collectifs, c’est de savoir assumer ses choix devant ses électeurs. Les vrais choix de politique budgétaire ne résident pas dans la fixation des déficits budgétaires, car, avec une dette à plus de 90 % du PIB, ceux-ci sont déjà contraints. Qui peut croire qu’avec une telle dette nous avons encore le choix de définir librement nos déficits ?» (page 38). Souhaitons que cette analyse trouve le meilleur écho possible chez nos dirigeants !

Réduire la dette grâce à la constitution, Jacques Delpla, Fondapol

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 27 janvier 2010

La persistance des risques

Le fait que la Grèce ait réussi à lever 8 milliards d’euros amène certains à considérer que le risque de défaillance d’un grand pays développé est derrière nous, erreur ! La Grèce a été obligée proposer 6% d’intérêt, quand l’Allemagne emprunte à 2,3% ! Une rémunération si élevée se rapproche plutôt de pays émergents comme le Vietnam… Le risque demeure, comme l’indique le responsable de l’un des plus importants fonds d’investissement au monde, Pimco : «Les Gilts (emprunts d'Etat britanniques, ndlr) reposent sur un lit de nitroglycérine, a estimé M. Gross, ajoutant que la dette élevée du Royaume-Uni, couplée à sa capacité de dévaluer sa monnaie, représente de grands risques pour les investisseurs obligataires». Et il range le Royaume-Uni dans la même catégorie que la France, les USA, le Japon, l'Irlande ou la Grèce, pays développés qu'il juge «les plus vulnérables en 2010», et dont la croissance risque d'être freinée par l'envolée de leur dette publique. Le FMI ne dit pas autre chose et n’exclut pas un krach obligataire : un renchérissement du coût des émissions souveraines en Grèce, au Japon, au Royaume-Uni, mais aussi en Allemagne et aux Etats-Unis a déjà eu lieu, «Le problème pourrait certes être localisé, mais on ne saurait exclure un risque de propagation à d'autres pays et une onde de choc dont souffrirait la confiance». Dans le même temps, le risque pesant sur les banques demeure élevé : « Si les faiblesses de ces établissements ne sont pas corrigées parallèlement aux mesures d'accompagnement, le secteur bancaire risque de subir de nouvelles tensions et une perte globale de confiance […] ». La chute d'une banque pourrait entraîner un effondrement total ou partiel du système, craint le FMI.

La Grèce emprunte plus cher que le Vietnam, Le Figaro

Pour le patron de Pimco, les obligations britanniques sentent le soufre, Agefi
(la note de Pimco)

L'endettement public menace la stabilité financière, Les Echos
(la note du FMI)

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 26 janvier 2010

La dette du Japon est dégradée mais ce n’est pas grave

Standard and Poor’s devient «négative» sur la dette du Japon. Elle maintient ses notes (AA sur la dette à long terme et A1+ sur celle à court terme) mais indique qu’elles pourraient être prochainement dégradées en raison de «la marge de manœuvre réduite du gouvernement en matière de politique budgétaire et de sa déception concernant les projets d'assainissement budgétaire». La dette atteint presque 200% du PIB… Mais l’irresponsabilité semble être la règle parmi les responsables du système financier comme en témoigne le chef économiste de Mitsubishi UFJ Securities qui déclare que «même si S&P dégrade le Japon, cela aura un faible impact sur le coût du crédit du Japon puisque la très grande partie des détenteurs d'obligations nippones sont japonais». C’est vrai, la quasi-totalité de la dette japonaise est détenue par des entités financières locales, contrairement à la France dont les 2/3 de la dette sont détenues par des non-résidents (ce qui nous mettrait en situation extrêmement difficile en cas de baisse de notre notation). Mais c’est quand même faire preuve de je-m’en-foutisme (un peu comme les Américains qui font tourner la planche à billet) parce qu’au bout d’un moment c’est la crédibilité de la monnaie elle-même qui est atteinte. Si le Japon devient aussi laxiste que la Grèce, au secours !

Japon - S&P devient "négative" sur la dette souveraine, Reuters

Philippe Herlin

vendredi 22 janvier 2010

Le Grand emprunt devant l’assemblée

Nous avions dénoncé dans cette note la manipulation du rapport sur le Grand emprunt consistant à faire croire que 60% des dépenses donneraient lieu à la constitution d’actifs, laissant croire que l’Etat serait un bon gestionnaire et qu’il enrichirait la nation : «la véritable esbroufe du rapport consiste à faire croire à la rentabilité économique de ces dépenses. Le rapport affirme : «Les dépenses d’investissement retenues par la Commission donnent lieu à la constitution d’actifs à hauteur de près de 60 %. Dans tous les cas, les dépenses choisies sont porteuses d’une rentabilité directe (dividendes, royalties, intérêts…) ou indirecte (recettes fiscales induites par une activité économique accrue) pour l’État et de bénéfices socio-économiques pour la collectivité». Mais lorsque l’on regarde ce «retour» dans le détail de chaque projet, on a le plus souvent ces phrases : «La rentabilité de cet investissement est d’ordre socio-économique» ou aussi «en cas de succès économique»… Interdit de rire.»

Le projet de loi de finance rectificative pour 2010, spécialement dédié à cet emprunt, reprend ce même boniment : «Dans les choix des projets, la constitution d’actifs sera recherchée. C’est pourquoi les interventions des gestionnaires prendront la forme de subventions mais aussi de dotations en capital, de prises de participation, de prêts et d’avances remboursables. Conformément à l’orientation retenue par la commission présidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard, plus de 60 % des fonds correspondront ainsi à des financements non consomptibles, des prêts et des prises de participations.» (exposé général des motifs, I, C)

Si cela peut être vrai pour les crédits versés à la CDC (Caisse des dépôts), au FSI (Fonds stratégique d’investissement) ou à Oséo (prêts au PME), la plus grande part de la somme concernera des organismes publics, au premier rang desquelles les universités. Où est alors la création d’actifs ? Si l’on comptait ouvrir le capital des universités au secteur privé, les dotations en capital versées par l’Etat deviendraient un «actif» mesurable, mais ce n’est pas le cas! Il s’agit donc, en réalité, d’un saupoudrage de subventions, en plus bien trop disséminées pour avoir un véritable impact (on a défendu ici l’investissement dans un réseau national de fibre optique, pour l’Internet à très haut débit, mais seulement 2 milliards y sont consacrés). Et en avant vers encore plus de déficit et de dette !

Projet de loi de finances rectificative pour 2010

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 19 janvier 2010

La BCE prépare les bases juridiques d’une rupture avec l’euro

Nouvelle étape dans le jeu de poker menteur (voir cette note) entre la Grèce (aidez moi sinon ma faillite rejaillira sur toute l’UE) et l’Union européenne (que la Grèce se débrouille, nous ne verserons pas un euro) : la Banque centrale européenne vient de publier une étude précisant les bases juridiques d’une rupture avec l’euro pour un pays membre. Non seulement c’est possible mais le texte affirme principalement que la sortie de la zone euro entraînerait l’expulsion de l’Union européenne ! L’UE sort l’artillerie lourde, les Grecs entendront-ils raison ? Le problème est que ce «tout ou rien» risque d’effrayer encore plus les marchés financiers. Par delà leurs imperfections, les «critères de Maastricht», avec leur système de pénalités en cas de déficit excessif, avaient au moins le mérite d’exister. Mais leur caractère arbitraire (parce qu’issus d’une période de croissance modérée) les a mis hors-jeu depuis la crise de septembre 2008. Désormais ne reste plus que la menace du bannissement, comme au Moyen-âge… Cette impréparation et cette stratégie du quitte ou double sont plutôt inquiétantes quant à la gouvernance de l’Union Européenne…

ECB prepares legal ground for euro rupture as Greek crisis escalates, Ambrose Evans-Pritchard, Telegraph
(traduction française)

Withdrawal and expulsion from the EU and the EMU, BCE

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

jeudi 14 janvier 2010

Crise de l’euro à l’horizon ?

Nous avons déjà évoque les risques pesant sur l’euro (lire cette note). Cette fois les interrogations à voix haute dépassent le cercle des éditorialistes et de certains économistes pour s’exprimer à travers le dirigeant du plus plus grand pays européen, Angela Merkel. «L'euro traversera dans les prochaines années une phase très difficile» dit-elle, s’inquiétant de la crise grecque. Ca sent le roussi, même si Jean-Claude Trichet a jugé «absurde» une sortie de la Grèce de l’euro. Il ne pouvait pas dire autre chose !

Crise grecque : Merkel prévoit une "phase très difficile" pour l'euro, Les Echos

Trichet : la sortie de la Grèce de la zone euro, une hypothèse "absurde", Les Echos

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 12 janvier 2010

Après le Portugal… les Etats-Unis !

Après la crise des subprimes qui les a ridiculisées et la faillite de Dubaï qui les a prises de court, les agences de notation ne veulent plus passer pour des imbéciles heureux, du coup elles multiplient les avertissements : les grands pays sont incités à la rigueur budgétaire, la Grèce a vu sa note baisser, le Portugal est sous le coup de cette menace. Mais cette fois Fitch y va franco en expliquant que les Etats-Unis pourraient perdre leur AAA ! «Au cours des trois à cinq prochaines années, l'endettement public se rapprochera de niveaux qui feront peser une certaine pression sur le statut AAA». La prévision reste large, mais elle a été émise. Formulons l’hypothèse qu’en agissant ainsi les agences de notation cherchent surtout à se couvrir, la dégradation de la note d’un grand pays interviendra après un incident, pas avant.

Le "triple A" de la dette des Etats-Unis pourrait être menacé, La Tribune

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

lundi 11 janvier 2010

Après la Grèce, le Portugal

L'agence de notation Moody's a annoncé une possible baisse de la note du Portugal suite à la dégradation de ses finances publiques. Il est intéressant de noter que le déficit budgétaire du Portugal (8%) et le poids de sa dette par rapport au PIB (77%) est quasiment identique à celui de la France… La Grèce est dans une situation bien pire (respectivement 12,5% et 113%) et on pourrait un peu vite la considérer comme une exception, mais non, les agences de notation tournent désormais leurs regards vers des pays «normaux», aux chiffres proches des moyennes européennes. Avertissement masqué pour les «grands» pays ? Sans aucun doute pour La Tribune qui conclut son article par ces mots : «Un plan d'assainissement des finances publiques sera donc indispensable pour tous les pays européens s'ils souhaitent conserver la confiance des marchés financiers.»

Après la Grèce, le Portugal est dans la ligne de mire des agences de notation, La Tribune

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 6 janvier 2010

Méfiance des fonds envers les dettes souveraines

Intéressant article du Figaro qui explique que des fonds d’investissement commencent à se détourner des obligations d’Etat (notamment Pimco, un fonds particulièrement avisé puisqu’il avait su se tenir à l’écart des subprimes). Les fonds anticipent en effet une remontée des taux d’intérêt, ce qui fera automatiquement perdre de la valeur aux obligations détenues dans leur portefeuille à un taux d’intérêt moins élevé. L’article soulève un lièvre, sans aller au bout de son raisonnement cependant : les Etats ne s’inquiètent pas concernant le placement de leur dette parce que les banques (en vertu de nouvelles normes internationales contraignantes) devront renforcer leurs fonds propres, c'est-à-dire notamment acquérir des emprunts d’Etat (considérés comme l’« actif sans risques » donc remplissant la fonction de capitaux propres). Mais tournons le problème autrement : et si les Etats obligeaient les banques à renforcer leurs fonds propres moins pour améliorer la sécurité du système financier que pour être certains de placer leur dette ? Car on sait que les fonds propres ne constituent pas à eux seuls une parade systématique aux crises, les choses sont bien plus complexes. Les relations incestueuses entre les Etats et les banques ne cessent de s’étendre…

Méfiance envers des obligations d'Etat, Le Figaro

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr