jeudi 30 juillet 2009

Les précautions oratoires de Standard & Poor's

Comment parler par antiphrase ? Standard & Poor's le fait avec un tallent inégalé. En effet, l’une des deux grandes agences de notation, avec Moody’s, vient de confirmer la note AAA (la meilleure possible) pour la dette de la France, ouf ! Pour quelles raisons ? Eh bien, tenez vous bien, S&P anticipe «une tendance clairement perceptible à la consolidation budgétaire et à la réduction de la dette». Enorme ! Même Christine Lagarde, éternellement optimiste, ne s’est jamais risquée à dire que la dette diminuerait. Personne ne peut croire à un tel scénario, qui impliquerait des réformes drastiques. Mais, ensuite, vient l’avertissement : «En l'absence de réactions face aux importants déséquilibres budgétaires et à la dette brute relativement élevée après le retour à la croissance économique, les notes de la République française seraient exposées à une pression baissière». Le voici le scénario le plus évident ! Ce qui veut dire que Standard & Poor's envisage, à moyen terme, de dégrader la note de la dette de la France. Que tout cela est dit avec d’infinies précautions !

S&P confirme la note souveraine AAA de la France

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 24 juillet 2009

Soyons grand seigneur !

Et hop, 1,2 milliard de plus. Comment ? Un cadeau au Cameroun. L’annulation de la totalité de la dette de ce pays envers la France. Soyons grand seigneur, on n’est plus à 1 milliard près ! Avec tout de même une contrepartie : «en échange de la réalisation de projets de développement, définis en commun par Paris et Yaoundé, d'ici 2016», sous entendu les entreprises françaises devront avoir leur part du gâteau. Et en 2016… on annulera de nouveau la dette que le Cameroun ne pourra pas payer. La dette sert aussi à faire tourner des entreprises françaises à l’étranger, pourquoi pas, mais c’est un peu de la cavalerie financière ou du Madoff tout ça…

La France maintient l'aide au Cameroun, Le Figaro

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

jeudi 23 juillet 2009

Le rapport annuel 2008 de l’AFT

L’Agence française du Trésor (AFT) vient de mettre en ligne son rapport annuel 2008. Revenons sur un problème fondamental que nous avons signalé dans cette note, le fait que les deux-tiers de la dette de la France sont détenus par des non-résidents (ce qui fragilise notre situation) et, surtout, que l’AFT ne veut pas communiquer sur la répartition des pays détenteurs. Le rapport 2008 ne répond pas à cette question mais il fournit une indication, les pays visités pour faire la promotion des valeurs du Trésor (page 10)... Contrairement aux années 2007 et 2006 (cf rapport annuel 2007), qui concernaient essentiellement les pays développés + BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), on note en 2008 une forte réorientation en faveur des pays pétroliers du Maghreb et du Moyen-Orient (Abou Dhabi, Algérie, Arabie Saoudite, Egypte, Kazakhstan, Lybie, Qatar). Il est vrai qu’avec la crise, les pays ayant des excédents à placer sur le marché des capitaux ne sont plus si nombreux. Ces pays semblent avoir pris une place déterminante dans le placement de notre dette publique. On ne va pas tirer les fils de l’analyse géopolitique (tiens, pourquoi une base militaire française à Abou Dhabi ?), ça nous emmènerait trop loin, on se bornera à noter l’instabilité de ces pays (que des dictatures) et de ces régions et à renouveler notre souhait que la dette publique française diminue et dépende moins de l’étranger pour ne pas s’exposer inutilement aux soubresauts internationaux.

Autrement, à noter également dans le rapport 2008 :
- Le très parlant graphique de la page 18 montrant les écarts de spreads entre les différents pays de la zone euro.
- Le fait que l’AFT utilise des swaps de taux d’intérêt, un produit très spéculatif, mais dans une option de couverture donc à a priori peu risquée, même si la Cour des comptes lui a demandé de mieux contrôler ces risques (pages 27, 56, 59).

Le site de l’Agence française du Trésor (AFT)

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 17 juillet 2009

Tour de passe-passe sur la SFEF

Nous avions évoqué dans cette note la volonté de l’Etat de sortir la SFEF (structure chargée de lever de l’argent pour aider les banques) du périmètre de la dette publique. Dans un premier temps EUROSTAT et l’INSEE s’y étaient opposés, avec raison. Mais nos brillants technocrates ont finalement réussi à emporter le morceau et à faire revenir l’institut statistique européen sur sa décision. La SFEF sera sortie du périmètre de la dette publique, cette dernière augmentera donc un peu moins vite que prévu… Saluons cette formidable victoire de nos hauts fonctionnaires contre l’endettement de la France et permettons-leur de sabrer le champagne, à crédit bien sûr. Voici une bonne nouvelle pour les vacances, non ?

La dette émise par la SFEF ne sera plus comptabilisée dans la dette publique, Les Echos

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 10 juillet 2009

Les collectivités locales aussi…

La dette publique de la France c’est surtout celle de l’Etat, mais c’est aussi celle de la sécu (gérée par la CADES) et des collectivités locales. La première explose, la seconde augmente à un rythme accéléré et celle des collectivités locales suit le mouvement avec un léger décalage dans le temps. Selon le rapport 2009 du Comité des finances locales, celles-ci sont confrontées à un «véritable et grave effet de ciseaux» : les dépenses, notamment sociales (les départements gèrent le RMI) augmentent et les recettes baissent (effondrement des droits de mutation). Conséquence : on stoppe les embauches ? on mutualise pour baisser les coûts (les régions gèrent les lycées, les département les collèges…) ? on diminue les frais de communication (les pubs de départements dans le métro, ridicule) ? On taille dans les dépenses inutiles ? Non bien sûr. On s’endette. Le rapport porte sur l’année 2008 et annonce que ce sera bien pire en 2009…

Les finances locales se sont dégradées en 2008, Les Echos

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 8 juillet 2009

Notre vulnérabilité augmente…

Dans un commentaire de la note précédente, un internaute (merci à lui) signale cet intéressant article des Echos «La France accroît sa vulnérabilité en empruntant à court terme». La part des emprunts à court terme et à taux variable augmente et cela nous rend plus sensible à une baisse de la demande pour la dette souveraine ou à une hausse des taux (suite à une remontée de l’inflation).

Cette information sort maintenant parce que la commission des finances du Sénat à «cuisiné» (auditionné) le directeur de l’Agence française du Trésor (AFT), Philippe Mills. Bravo et continuez Messieurs ! Son rapporteur, Philippe Marini, évoque «les difficultés que l'Etat commence à éprouver pour placer ses émissions obligataires» et, selon lui, «nous nous approchons probablement d'une zone sensible.»

La France accroît sa vulnérabilité en empruntant à court terme, Les Echos

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 3 juillet 2009

Comment construire une bulle sur la dette souveraine ?

Comme l’indique cet article d’Oriane Claire pour Slate.fr, l’injection massive de liquidités réalisée par la BCE et la Fed permet aux banques… d’acheter des bons d’Etat : «Les banques commerciales ont en effet utilisé de suite l'argent emprunté à bon prix auprès de la BCE pour investir massivement dans les emprunts d'Etat allemands, les bons du trésor américains à 10 ans ou encore les obligations de l'Etat français (les OAT). Ce sont donc les emprunts d'Etat qui ont bénéficié de ce nouveau flux monétaire. Comme nous l'expliquent les différentes banques, «nous empruntons à 1% et prêtons à plus de 3,30% pour les obligations d'Etat germanique, par exemple. Cette opération nous permet de restaurer nos marges aisément».

On voudrait créer une bulle qu’on ne s’y prendrait pas autrement ! Le système est bouclé sur lui-même, autoréférentiel, déconnecté de l’économie réelle, et le changement brutal d’une variable (reprise de l’inflation, déflation, hausse des taux d’intérêt, …) provoque son l’écroulement.

Et signalons que cela revient à faire tourner la planche à billet de façon indirecte : au lieu de souscrire directement des bons du trésor (comme se l’autorise la Fed), la BCE prête de l’argent sans limite et avec de très lâches garanties à un taux très faible à des banques qui se précipitent ensuite pour acheter des OAT françaises ou des Bunds allemands. Où est la différence ? Les apparences sont sauves. C’est vrai que ça compte, surtout dans une bulle.

C’est même une bulle dans une bulle puisque, lorsque l’on élargit le champ d’observation, on voit que la dette des Etats est en grande partie émise pour… sauver le système bancaire. De la liquidité est crée sans contrepartie réelle, sans création de valeur (la hausse de la bourse de ces derniers mois n’étant qu’un effet collatéral de cette création monétaire), ce qui annonce d’autres crises…

Au bonheur des banques, Oriane Claire, Slate.fr

En bonus, un autre article de Slate.fr sur le comportement scandaleux de Jean-François Théodore, président d’Euronext, qui a bradé la bourse de Paris à celle de New York, ce qui annonce des délocalisations d’emplois dans la finance…

Philippe Herlin

jeudi 2 juillet 2009

Des critiques contre le «grand emprunt»

Comme nous l’avons dit dans cette note, nous souhaitons que le «grand emprunt national» fasse un bide pour que les dirigeants de l’ensemble de l’échiquier politique se rendent compte qu’il faut stopper l’emballement mortel de la dette publique. Les critiques ne manquent pas d’apparaître contre cet emprunt, signalons Jean-Michel Apathie de RTL, François Lenglet de La Tribune ou Yvan Rioufol du Figaro. Signalons aussi cette intéressante initiative, une pétition - à laquelle je m’associe - pour une «relance durable» (i.e. par une baisse des impôts) disponible sur relancedurable.fr.

Un milliard d'euros par jour, Jean-Michel Apathie, RTL

Maurice, Raymond et la dette, François Lenglet, La Tribune

Question sur l'emprunt national, Yvan Rioufol, Le Figaro

Rajouté le 3/7 : Nicolas Baverez dans Le Point

Pétition pour une relance durable

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 1 juillet 2009

Un «triple A» qui vaut cher…

On en est à 1.430 milliards d’euros de dette publique, et ça s’accélère… Mais l’article du Figaro signale par ailleurs un élément important : la dette de la France reste pour l’instant notée «AAA» par les agences de notation, soit la meilleure note. Mais une dégradation de seulement un cran aurait de graves conséquences car la plupart des banques centrales et des fonds de pension dans le monde ont l’obligation statutaire de placer leurs fonds dans des placements notés AAA. Or la France dépend beaucoup de l’étranger pour sa dette, les deux tiers exactement (seulement 28 % pour les USA) comme nous l’avons signalé dans cette note, ou comme on peut le lire sur le site de l’AFT (Agence Française du Trésor). Une dégradation de la note de la dette française conduirait les banques centrales, les fonds de pension et certains fonds souverains à se détourner brutalement des OAT émises par l’Agence Française du Trésor, mettant le pays dans une situation très critique, au bord de la rupture de paiement. La dette française est donc extrêmement dépendante de ce «triple A», nous sommes à un cran d’une crise potentiellement très grave.

La dette française a doublé en douze ans, Le Figaro

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr