vendredi 27 mars 2009

L’AFT s’inquiète des tensions dans la zone euro

Comme nous l’avions signalé dans cette note, la «tribune libre» de l’Agence Française du Trèsor (l’AFT, l’organisme qui gère la dette de l’Etat) est toujours intéressante à lire car si elle n’engage pas formellement cet organisme, c’est tout de même un signe révélateur.

Le texte du bulletin du mois de mars (de Peter Schaffrik, Dresdner Kleinwort) commence par reconnaître les fortes tensions agitant la zone euro, qui sont matérialisées par les écarts de taux d’intérêts offerts aux investisseurs par les différents pays (la France doit offrir des taux d’intérêt de 15 à 20 % supérieurs à ceux de l’Allemagne - et la Grèce 50 % - pour placer ses emprunts d’Etat), ainsi que par les primes des CDS en forte augmentation (sur les CDS voir cette note).

Vient ensuite la formulation d’un reproche : «Alors que dans d’autres zones monétaires les banques centrales ont pu limiter l’évolution de la prime de risque avec l’annonce et/ou la mise en oeuvre de programmes d’acquisition d’obligations d’Etat (aux Etats-Unis et au Royaume-Uni notamment), la BCE a jusqu‘ici fermement rejeté l’idée de la mise en place de mesures similaires». Effectivement la BCE ne peut souscrire la dette des Etats contrairement à la Fed ou la Banque d’Angleterre. Seule solution pour «réduire la prime de risque» (en clair éviter, si la situation s’aggravait, l’éclatement de la zone euro) : renforcer la coordination des politiques économiques menées dans les différents pays de la zone euro. Vœu pieux ? Nous le saurons bientôt, en tout cas les tensions dans la zone euro ne manquent pas d’inquiéter l’organisme chargé de placer la dette de la France….


Le bulletin mensuel de mars de l’AFT (cf page 6) :
http://www.aft.gouv.fr/IMG/pdf/226_BMT_FR__Mars_09_-2.pdf

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

jeudi 26 mars 2009

Le marché de la dette d’Etat craque…

Nous avions évoqué cette hypothèse dans notre note du jeudi 19 mars : si la Fed en vient à acheter les bons du trésor US c’est qu’elle se doute que le marché (national et international) ne pourra pas absorber tous les emprunts d’Etat. Désormais c’est sûr : la Banque d’Angleterre n’a tout simplement pas pu trouver suffisamment d’acheteurs pour ses bons (1,67 M£ pour 1,75 proposés) et la Fed a également rencontré un marché très frileux.

C’est clairement un avertissement des investisseurs (dont beaucoup sont lessivés par la crise) aux Etats : toutes les dettes d’Etat ne pourront pas forcément être souscrites, et même si la capacité d’achat existe, le risque d’inflation généré par les dépenses budgétaires détournera les acheteurs potentiels. Il faudra suivre avec intérêt les prochaines émissions…


Vers une indigestion d’émissions de dettes d’Etat ?
http://www.boursier.com/vals/ALL/economie-vers-une-indigestion-d-emissions-de-dette-d-etat-news-325925.htm

U.K. Bond Auction Fails for First Time Since 2002
http://www.bloomberg.com/apps/news?pid=20601087&sid=aCUGyYwEVBdg&refer=home

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mercredi 25 mars 2009

Le «risque pays de l’Est» oublié par les banques européennes !

Nous avions évoqué dans cette note le risque représenté par les pays de l’Est sur le système bancaire européen. Goldman Sachs confirme l’importance de cette menace et, plus grave, affirme qu’elle n’a pas été prise en compte (provisionnée) par les banques de la zone euro. Selon la banque américaine, les pertes des banques de la zone euro sont estimées à 922 milliards d'euros, et seul un tiers a été «reconnu»… Le reste, 600 milliards d’euros, n’a pas été encore déclaré. (Pour les USA, les pertes totales du système bancaire sont estimées à 2.000 milliards de dollars, ce qui correspond à l’estimation de Nouriel Roubini).

On s’en doutait, les bénéfices annoncés par les banques françaises pour l’exercice 2008 sont largement virtuels, notamment parce qu’ils ne tiennent pas compte du «risque pays de l’Est». D’ailleurs on ne comprend pas l’empressement de BNP Paribas à vouloir racheter Fortis, très engagé à l’Est… A suivre.


Le communiqué de Goldman Sachs :
http://www.lesechos.fr/info/finance/reuters_00132693-les-pertes-des-banques-de-la-zone-euro-estimees-a-922-milliards-d-euros.htm

Philippe Herlin
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mardi 24 mars 2009

Sur le partage de la valeur ajoutée

On entend depuis longtemps, et ce discours revient à la une à l’occasion de la crise, que le partage de la valeur ajoutée a évolué au détriment des salariés et en faveur des actionnaires. Le partage travail/capital se ferait de plus en plus en faveur du second. Et tous les discours d’inspiration marxiste, avouée ou non, de surenchérir sur l’exploitation des travailleurs par les méchants patrons qui s’en mettent plein les poches…

On oublie un acteur dans cette tragicomédie : l’Etat. Car c’est lui qui se sert en premier, et de la plus grosse part. On connaît ce chiffre, la somme des valeurs ajoutées au niveau d’un pays c’est le «PIB», et la somme des impôts, cotisations et taxes se mesure par le «taux de prélèvement obligatoire» (Etat + prestations sociales + collectivités locales) et il s’élève à 44%.

Donc le scénario est le suivant : l’Etat commence par se servir de presque la moitié des richesses crées en France, et ensuite les entreprises font ce qu’elles peuvent pour payer leurs salariés, continuer d’investir pour maintenir leur compétitivité puis, éventuellement, elles rémunèrent leurs actionnaires qui arrivent en fin de course.

Car les polémiques sur les «super profits» de Total ou de quelques autres ne doivent pas masquer le fait que le tissu économique de la France est constitué de PME dont la rentabilité est faible. Et, toute choses égales par ailleurs, faire pencher la balance du côté des salariés au détriment des entreprises conduirait automatiquement à des licenciements et à des fermetures d’entreprises.

La solution pour augmenter le pouvoir d’achat, ainsi que la compétitivité des entreprises (qui en ont bien besoin), est donc très simple : baisser les prélèvements publics. L’Etat doit moins dépenser, obliger les collectivités locales à être plus économes, et mieux gérer les prestations sociales. Et avec la crise et l’explosion de la dette publique, cela devient urgent.

Bizarrement, comme pour évacuer un tel débat, les statistiques officielles de l’Insee ne distinguent pas l’Etat en tant que tel mais mélangent maladroitement et de façon artificielle les impôts entre le capital et le travail (cf l’article de Wikipedia). A-t-on peur que les Français comprennent vraiment les termes du débat ?


Wikipedia : le partage de la valeur ajoutée
http://fr.wikipedia.org/wiki/Partage_de_la_valeur_ajout%C3%A9e

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

jeudi 19 mars 2009

La Fed fait tourner la planche à billets !

On le sait, le moyen le plus facile de s’endetter consiste à faire «tourner la planche à billets». Mais il y a un inconvénient majeur : l’inflation, due à l’accroissement de la masse monétaire (la quantité de monnaie en circulation augmente plus vite que la production, donc mécaniquement les prix augmentent). Mais comme en ce moment c’est plutôt la désinflation qui menace (chute des prix dans l’immobilier et la bourse, légère baisse des prix industriels, stagnation ou légère baisse dans les biens de consommation), certains se disent qu’il y a une fenêtre d’opportunité… Après la banque d’Angleterre début mars, la Fed vient de décider qu’elle allait consacrer jusqu’à 300 milliards de dollars pour acheter des bons du Trésor à long terme (c'est-à-dire imprimer 300 milliards pour les donner au Trésor US ; en fait concrètement créditer son compte). Notons accessoirement que la Fed va aussi dépenser 1.250 milliards de dollars pour racheter les titres adossés à des prêts immobiliers (MBS) des agences de refinancement hypothécaires, ce qui va encore dégrader son bilan, comme nous l’avions indiqué dans cette note.

Première remarque : la Fed en vient à faire tourner la planche à billets peut être parce qu’elle se doute que le marché (national et international) ne pourra pas absorber tous les emprunts d’Etat, ce qui est plutôt inquiétant pour nous, en France et en Europe, car les statuts de la BCE lui interdisent de faire comme la Fed. Ceci dit, l’objectif affiché de la Fed est de faire baisser les taux longs ; soit, restons en là pour le moment.

Deuxième remarque : avec cette politique, la Fed risque de faire passer la crise dans un compartiment relativement préservé pour le moment, celui des changes. Car les détenteurs de dollars, voyant cette création monétaire débridée, risquent de s’inquiéter pour la valeur de leurs avoirs… Il faudra surveiller le cours du dollar dans les semaines à venir (Paul Jorion, un des rares économistes avec Nouriel Roubini et quelques autres à avoir prévu la crise des Subprimes y voit carrément la fin du capitalisme, article provocateur et intéressant).

Troisième remarque : finalement avec notre BCE légèrement psychorigide (son extrême réticence à baisser ses taux d’intérêt) et entravée dans ses mouvements (dans l’impossibilité d’acheter des emprunts d’Etat), nous sommes peut être à l’abri de risques systémiques plus graves (si la France ne peut plus placer ses emprunts d’Etat sur le marché, elle ne pourra pas se tourner vers la BCE et devra se réformer, tant mieux !).

En conclusion, il nous semble que pour un bénéfice immédiat (le financement du déficit US), on est en train d’accroître le risque systémique global (marché des changes, bilan de la Fed)… A surveiller.

La Fed emploie les grands moyens
http://www.e24.fr/economie/monde/article70939.ece

Le 18 mars 2009 : fin du capitalisme, par Paul Jorion
http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2592

La Banque d'Angleterre prépare des achats massifs d'emprunts d'Etat
http://www.lesechos.fr/info/inter/4839039-la-banque-d-angleterre-prepare-des-achats-massifs-d-emprunts-d-etat.htm

Les moyens d’action de la BCE
http://www.lesechos.fr/info/inter/4839172-francfort-n-a-pas-encore-tire-toutes-ses-cartouches.htm

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 17 mars 2009

L’imposture des «actifs publics»

Nous avions déjà dénoncé dans cette note l’attitude irresponsable consistant à affirmer que l’endettement de la France n’était pas si grave du fait que des «actifs publics» d’une valeur supérieure pouvaient lui être opposé.

L’INSEE verse à son tour dans cette pensée magique puisqu’elle affirme que - c’est formidable ! - les actifs des «APU» (Administrations publiques) sont supérieurs à leur passif (essentiellement la dette), 2.273 milliards d’euros contre 1.499 milliards, soit un patrimoine net de 774 milliards d’euros. Fantastique, on peut continuer à s’endetter comme si de rien n’était !

Mais de quels actifs s’agit-il ? Leur analyse nous montre qu’on ne peut pas les mettre en regard de la dette de l’Etat, en effet, toujours selon l’INSEE :

«Fin 2007, les APU détiennent 11 % des actifs non financiers nationaux, part relativement stable sur la période (13 % en 1978). Il s’agit essentiellement de bâtiments non résidentiels (bureaux, hôpitaux...), d’ouvrages de travaux publics (routes...) et surtout de leurs terrains sous-jacents (entre 80 % et 90 % de leur patrimoine non financier selon les années). Ce patrimoine non financier est principalement détenu par les administrations publiques locales en conséquence de la politique de décentralisation engagée à partir de 1982».

La dette, c’est surtout celle de l’Etat, les collectivités locales étant, pour le moment relativement peu endettées. Hors ces actifs appartiennent aux collectivités locales ! S’il voulait «réaliser» ces actifs pour payer sa dette, l’Etat devrait donc (par une loi qui serait à la limite d’un coup d’état) commencer par dépouiller les communes, départements et régions de leurs écoles, collèges et lycées, infrastructures routières, hôpitaux etc, pour ensuite les vendre. Et ainsi l’éducation (nationale et privée) et l’hôpital devraient payer un loyer aux nouveaux acquéreurs pour continuer d’exercer, certaines routes départementales et des ponts deviendraient payants, etc. Les Français deviendraient des locataires de leur propre pays !

Bien sûr, les administrations publiques, et en l’occurrence surtout l’Etat, détiennent des actifs financiers (847 milliards d’euros) dont plus de la moitié est constituée d’actions (parts dans le capital d’entreprises publiques notamment) qui peuvent être vendus. Mais ce sont là les seuls actifs pouvant être réellement comptabilisés, le reste c’est le patrimoine immobilier et foncier de la France, pour lesquels les Français ont déjà payé (par leurs impôts), il est donc hors de question de leur faire payer une seconde fois !


Le patrimoine économique national de 1978 à 2007, INSEE
http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1229

Philippe Herlin
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vendredi 13 mars 2009

La dette, un jeu à la Ponzi ?

On regarde tous avec mépris les images de Bernard Madoff à l’occasion de son procès à New York, il va dormir en prison, tant mieux ! Mais cet escroc que rien ne rachète ne serait-il pas symptomatique de notre époque et de la crise que nous traversons ? C’est ce que pense Nouriel Roubini (l’un des rares économistes à avoir prévu le crash des Subprimes) en assimilant le crédit facile qui a inondé l’économie à une pyramide à la Ponzi. Les ménages, les fonds d’investissement, les banques se sont endettées à l’excès, le château de cartes s’écroule et l’Etat intervient… en s’endettant lui-même, mais ne fait-il par là que déplacer le problème sans le résoudre ? Roubini met en garde les politiques de relance trop laxistes : «Un gouvernement qui émet des milliers de milliards de dollars de nouvelles dettes pour régler la facture de cette grave récession et pour socialiser les pertes du privé peut risquer de devenir un gouvernement à la Ponzi s’il ne revient pas à moyen terme à la discipline budgétaire et à un niveau de dette soutenable».

Une remarque intéressante car en 2006, dans son excellent ouvrage «La France en faillite», Rémi Godeau consacrait un chapitre à ce sujet (Une arnaque à la Ponzi ? page 245). Il affirmait tranquillement : «Au fond l’Etat providence tel qu’il existe aujourd’hui est le plus effrayant des jeux à la Ponzi. Ses bénéficiaires en retirent des avantages d’une valeur bien supérieure à celle de leurs contributions».

Nos dirigeants feraient bien de prendre ce problème à bras-le-corps s’ils ne veulent pas finir comme Bernard Madoff.


Madoff, miroir d’une économie américaine devenue folle, par Nouriel Roubini
http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2583
> texte original en anglais :
http://ftalphaville.ft.com/blog/2009/03/12/53535/nouriel-roubini-is-a-ponzi/

La France en faillite de Rémi Godeau
http://www.amazon.fr/France-faillite-v%C3%A9rit%C3%A9-lexplosion-publique/dp/2702134637

Philippe Herlin
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mercredi 11 mars 2009

Une interview de Philippe Riès

Philippe Riès on connaît puisque c’est, avec Philippe Jaffré aujourd’hui décédé, l’auteur du livre «Le jour où la France a fait faillite» qui, en 2006, défraya la chronique en mettant sur le devant de la scène le problème de la dette de la France. On le voit assez peu dans les médias, on ne manquera donc pas son interview sur «Reichman TV», le site de Claude Reichman (claudereichman.com), un des plus intéressants bloggers sur les problèmes économiques et politiques.

Selon Philippe Riès, il est vain d’espérer une quelconque reprise économique tant qu’on n’aura pas nettoyé «à la paille de fer» le bilan des banques, alors qu’actuellement on ne fait que maintenir en vie des zombies, comme les japonais l’ont fait durant la «décennie perdue». Il insiste également sur la nécessité de réformer le système monétaire mondial, car «le statut particulier du dollar est à la racine de toutes les crises». Il pointe également le risque d’inflation auxquels seront contraints les Etats pour effacer la montagne de dettes qu’ils constituent en ce moment. Il ne formule pas de pronostic sur la situation de la France mais n’invalide en rien l’ouvrage qu’il a écrit et qui reste toujours d’actualité…

Interview de Philippe Riès, émission du 10 mars 2009
http://www.reichmantv.com/

Le jour où la France a fait faillite
http://www.amazon.fr/jour-o%C3%B9-France-fait-faillite/dp/2246711215

Philippe Herlin
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mardi 10 mars 2009

Un deal Sarko/DSK ?

Au-delà de la politique d’ouverture, au-delà de la volonté d’éloigner un concurrent sérieux, la ferme volonté de Nicolas Sarkozy de nommer Dominique Strauss-Kahn à la tête du FMI traduisait, selon moi, un calcul plus fondamental : en cas de faillite de la France, et donc contrainte de faire appel au FMI, mieux vaut que celui-ci soit dirigé par un français ancien ministre de l’économie plutôt qu’un coréen ou un mexicain ! La potion amère sera moins difficile à avaler si elle est prescrite par un compatriote (qui devra en outre ne pas griller ses chances de concourir ensuite à l’élection présidentielle) plutôt que par une personne n’ayant aucun intérêt direct dans notre pays et qui appliquera dans toute sa rigueur le plan du FMI… Les élites françaises sont parfaitement informées de l’état du pays (comme l’étaient celles de l’URSS) et ce deal n’est finalement pour elles qu’une bonne précaution de prise.

En parcourant Slate.fr, la déclinaison française du célèbre site américain, on découvre qu’une hypothèse comparable est formulée par l’un de ses fondateurs, qui n’est autre que Jean-Marie Colombani, l’ancien directeur du Monde et, incontestablement, une personne très bien informée. Il considère, lui, que si la crise s’aggrave, Nicolas Sarkozy « n'a qu'une option en magasin [comme premier ministre], en la personne de Dominique Strauss-Kahn, parce que, ès qualités et par lui-même, il crédibilise une politique de lutte contre la crise ». Une hypothèse en effet tout à fait crédible. La crise va rebattre les cartes également dans le domaine politique…

« L’hypothèse Colombani » :
http://www.slate.fr/story/avis-de-gros-temps-devant-nicolas-sarkozy

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

vendredi 6 mars 2009

Warren Buffet nous avertit

Warren Buffet ne parle pas à la légère. Celui qui passe à juste titre comme l’investisseur le plus avisé au monde (il est devenu la 2e fortune des Etats-Unis avec son fonds Berkshire Hathaway) dénonce une bulle sur les obligations d’Etat.

En effet, avec la chute mondiale des actions, de l’immobilier et des matières premières, les investisseurs se ruent sur les emprunts d’Etat. Sans même parler du risque de faillite d’un pays important qui aurait des effets systémiques dévastateurs, l’évolution des taux peut prendre à revers les investisseurs comme l’explique très bien Warren Buffet : «Le cours des obligations évolue en effet à l'inverse du rendement servi. A un rendement faible correspond un cours élevé pour une obligation. Mais si le rendement vient à remonter, il entraîne mécaniquement une baisse du cours coté, entraînant une perte en capital, et peut rendre des emprunteurs insolvables, amplifiant un phénomène de récession.»

Si la Fed ou la BCE devait relever inopinément ses taux pour faire face à un regain d’inflation (vu toutes les liquidités déversées sur le système financier ce ne serait pas étonnant), le cours des obligations d’Etat baisserait, mettant en difficulté les investisseurs. Et si une bulle éclate dans ce compartiment du marché, compte tenu des sommes en jeu les dégâts seraient très importants !

Warren Buffett dénonce une bulle sur les obligations d'Etat
http://www.e24.fr/finance/article64477.ece

Philippe Herlin
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jeudi 5 mars 2009

Une épargne très dépendante des emprunts d’Etat

Pour revenir sur notre note concernant l’assurance-vie investie à 80 % en emprunts d’Etat, nous citerons ce très pertinent article d’Annabelle Rincon de la Banque de France, « La destination finale de l’épargne des ménages » (2007).

L’auteur s’attache à estimer la destination finale de l’épargne des ménages français ; car lorsque l’on achète une part d’assurance-vie ou d’OPCVM monétaire, on ne connaît pas exactement l’utilisation qui en est faite. Après une «mise en transparence», A. Rincon arrive à la conclusion que 31 % de la totalité de l’épargne des Français est investie en emprunts d’Etats de la zone euro, contre 1 % avant la mise la mise en transparence (pages 6 et 7 de l’étude). Un chiffre très important et ignoré des épargnants. On apprend également, incidemment que 15,7 % de cette épargne est investie en devises, alors qu’avant la mise en transparence (c'est-à-dire en se bornant à ce que disent les institutions financières à leurs clients), ce chiffre n’est que de 5 % (voici une prise de risque un peu audacieuse…).

Même en dehors de l’assurance-vie, les emprunts d’Etat constituent donc une part important de l’épargne des Français, sans que cela leur soit clairement annoncé. Et si la récente ruée vers le Livret A exprimait une crainte diffuse envers les produits d’épargne plus opaques comme l’assurance-vie ou les OPCVM ?

Télécharger l’étude d’A. Rincon :
http://www.philippeherlin.com/blogdocs/Rincon2007.pdf

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr

mardi 3 mars 2009

Halte aux économistes irresponsables !

Face à l’accroissement de la dette qui semble même, à l’occasion de la crise financière, devenir incontrôlable (la dette française passerait à près de 80 % du PIB en 2012 contre 66 aujourd’hui !), il existe encore des économistes qui considèrent que l’on ne doit pas s’inquiéter. Un exemple édifiant est fourni par l’interview de Mathieu Plane, économiste à l’OFCE, à E24 le 2 mars 2009 intitulée « La France a les moyens de s’endetter ! ».

La dette explose mais ce n’est pas grave, selon lui, pour trois raisons, qui sont proprement aberrantes :
1) « Le portefeuille financier du secteur public atteint 36% du PIB». Bien sûr, l’Etat n’a qu’a vendre la totalité des ses participations et sociétés publiques (dont la Caisse des dépôts par exemple) pour se renflouer ! Vendre des actifs pour financer le déficit courant, c’est très intelligent ! Et ensuite adieu à toute possibilité de faire une politique industrielle.
2) « Nous possédons aussi un important patrimoine physique (terrains, écoles, hôpitaux, routes…) qui pourrait être valorisé comme la contrepartie de notre endettement ». Bah voyons, mettons des péages sur les départementales, vendons les écoles et les hôpitaux (l’éducation nationale et la santé publique deviendraient de simples locataires !), en un mot vendons l’ensemble du patrimoine de l’Etat pour rembourser la dette ! Ce sera plus difficile pour certains « actifs » comme les tableaux du Louvre, mais M. Plane ne l’exclut pas : « Certains sont moins facilement cessibles que d'autres (le musée du Louvre par exemple) mais ils représentent un actif comptable ».
3) « Enfin, la troisième contrepartie de notre endettement sont les investissements intangibles (dépenses d'éducation, recherche, santé…) qui augmentent le potentiel de croissance de long terme». Faux : la dette a servi à financer le déficit courant de l’Etat, l’embauche de fonctionnaires, ainsi que des revenus sociaux mais certainement pas des investissements ! Tous les grands projets qui font, encore, la richesse économique de la France (programme électronucléaire, traitement de l’eau, Airbus, Ariane, TGV) ont été lancés dans les années 60 et 70, sans l’aide de la dette. Depuis les années 80 quels ont été les grands investissements de recherche et d’industrie ?

On nage en pleine irresponsabilité. M. Plane affirme plus loin qu’il faut, dans le contexte de la crise actuelle, encourager le déficit public car « les ressorts de la sphère privée sont épuisés » ; c’est faux puisque l’épargne des Français est très élevée comparativement aux autres pays occidentaux. Encore faudrait-il moins la taxer pour qu’elle s’investisse dans l’économie ! Mais l’Etat préfère la capter pour financer sa dette, comme nous l’avons vu dans la note précédente. Ca en devient risible tellement c’est aberrant.

Interview de Mathieu Plane à E24 :
http://www.e24.fr/economie/france/article64548.ece

Philippe Herlin
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lundi 2 mars 2009

L’assurance-vie, un piège ?

L’assurance-vie est l’un des placements financiers préférés des Français. C’est aussi celui qui bénéficie le plus d’avantages fiscaux. Mais pourquoi l’Etat fait-il un tel cadeau ?

C’est très simple : la plupart des encours sont placés en bons du trésor ! « Dans le cas de contrats ou fonds en euros, les actifs mis en représentation des engagements pris par l'assureur sont investis à près de 80 % en obligations d'Etat » déclarait Claude Fath, président de l'association d'épargnants AGIPI, dans Les Echos du 30 septembre 2008.

80 % de l’assurance-vie est investie en OAT ! Mais l’Etat est ici juge et partie, il accorde des avantages fiscaux à un type de placement qui lui bénéficie directement. Ce n’est pas très sain. Ca permet aussi de comprendre ce qui se passerait si l’Etat français ne pouvait plus faire face à sa dette : l’assurance-vie part en fumée ! Et comme l’argent déposé sur ces contrats est bloqué pour plusieurs années (la sortie anticipée coûte chère), cela permet de limiter l’effet de panique : l’Etat à court de cash pourra se contenter de « suspendre » les versements de ceux qui y ont droit en laissant espérer à tout le monde que la situation reviendra bientôt à la normale.

Bien sûr ça n’arrivera pas puisque nous sommes très bien gouvernés. Cependant, si vous avez un petit doute sur la dette de l’Etat, évitez l’assurance-vie et restez sur des placements liquides…

Philippe Herlin
© La dette de la France .fr